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L’échange, outil de créativité et d’innovation

Anthony Fauré

Anthony Fauré

Sommaire

Nous avons rencontré Ruthy Atlan et Aliénor Collen, planneuses stratégiques chez Auditoire, une agence d’expérience de marque qui crée des événements centrés sur l’expérience émotionnelle et l’inattendu. Elles nous racontent leur quotidien, nouent un lien entre créativité et sens et nous livrent leurs sources d’inspiration.

Quelle est la mission d’un planneur stratégique ?

Ruthy : Notre rôle en tant que planneuses stratégiques chez Auditoire est de répondre aux appels d’offres qui entrent à l’agence en construisant un vrai storytelling[1], une histoire à raconter. On débute par une phase de prise d’information, où l’on se renseigne sur le client, son entreprise, le secteur dans lequel il évolue et sur les habitudes des consommateurs. On lui recommande alors le meilleur storytelling pour son événement, en faisant preuve de créativité et d’audace. Dans cette optique, nous travaillons en étroite collaboration avec des scénographes, des graphistes ou encore des concepteurs rédacteurs.

Aliénor : Nous travaillons en équipe et selon les projets, nous sommes entre 3 et 15 personnes à répondre sur des délais assez courts. Il faut établir une conviction collective. Le planneur stratégique agit alors comme un chef d’orchestre, porteur de cette conviction, pour la retranscrire dans chaque élément de conception (le parti pris graphique, le choix du lieu…). L’objectif est de garantir à notre client un ensemble cohérent, avec du sens, où tout est interconnecté.

Où puisez-vous votre inspiration, et comment organisez-vous votre veille pour apporter la réponse la plus attractive possible ?

Aliénor : La curiosité est une qualité essentielle pour notre métier puisque nous changeons de marque, et donc d’univers, une fois par semaine environ. Passer du secteur des mutuelles au monde des voitures, puis découvrir le marché du champagne, c’est passionnant ! Mais la créativité vient aussi des échanges et des rencontres que nous faisons, véritables pilliers dans le monde de l’événement. Je m’inspire donc beaucoup des différents univers des créatifs et professionnels qui travaillent avec nous.

«Avant de pouvoir inspirer les autres, il faut être soi-même inspirée. »

Ruthy : Avant de pouvoir inspirer les autres, il faut être soi-même inspirée. Je me rends souvent à des événements, y compris ceux que nous organisons pour vivre l’expérience du visiteur et ne pas seulement l’avoir imaginée en amont. Il faut être humble et accepter que tout change à chaque fois : c’est une veille et une remise en question constantes.

Comment accompagnez-vous les entreprises faisant appel à vous, qui ont un degré de maturité sur les sujets de la créativité sans doute variable ?

Ruthy : Les clients sont différents et les briefs aussi : certains sont très vagues, et le risque de partir sur une mauvaise piste est donc plus élevé, tandis que d’autres sont au contraire très précis, mais limitent un peu la créativité. L’idéal pour moi est de me rendre à la prise de brief avec le client, l’occasion d’échanger et de mieux comprendre ses attentes.

Aliénor : Je partage l’avis de Ruthy, les cessions de questions-réponses sont vraiment utiles car elles impliquent le client dans le processus de création. S’installe alors une vraie relation de confiance qui nous permet de créer un écosystème complet autour de l’événement, qui devient alors un média, et d’expérimenter de nouvelles choses dans nos recommandations. La créativité et l’esthétisme font partie des nouveaux enjeux de notre profession, la nouvelle génération veut trouver du sens dans les messages qui lui sont transmis et partager ses découvertes sur les réseaux sociaux. C’est donc à eux que nous devons d’abord penser.

Ruthy : Je trouve que la filière évolue dans le bon sens en termes de créativité. Avant, nous étions cantonnés à une image d’agence événementielle, mais aujourd’hui on s’installe dans un dispositif 360, avec un vrai rôle de conseil et plus seulement de producteur de contenus. Je ressens une vraie différence, on ne travaille plus uniquement pour eux, mais avec eux. Je me sens libre d’exprimer nos idées et inspirations, les clients acceptent même d’être surpris et se montrent curieux et ouverts à d’autres domaines, comme celui de l’influence. On essaie aussi d’innover dans notre manière de présenter à l’oral, en se déguisant ou en invitant un talent par exemple : la présentation devient alors elle-même un événement. Naturellement, il faut savoir rester accessible et adopter un vocabulaire clair. Nous restons humbles.

Quel regard portez-vous, en tant que planneuses stratégiques, sur les salons ?

« C’est un lieu où il est très difficile de dialoguer et de faire des rencontres, alors que c’est l’objectif initial »

Aliénor : J’évoquais précédemment l’importance de la relation entre la marque et le public. Pour moi, les exposants ont une problématique tellement business qu’ils ne prennent pas assez le temps d’établir de connections entre le Salon, le public et eux-mêmes. Trop centrés sur les bénéfices instantanés et non sur l’enjeu de la durée, ils écartent l’importance du storytelling, de l’aménagement, de l’échange et de toutes ces choses nécessaires à la création d’un lien durable entre les différents acteurs du Salon.

Ruthy : Les promesses sont de plus en plus belles et la programmation donne souvent envie. Malheureusement, l’excès de monde, de bruit et de messages disparates rendent la visite d’un Salon souvent éprouvante. Je pense qu’il faudrait élaborer un parcours plus simple, qui laisse place aux découvertes hasardeuses et mieux valoriser les petits exposants absorbés par les grands stands. Finalement, c’est un lieu où il est très difficile de dialoguer et de faire des rencontres, alors que c’est l’objectif initial. Les usages de consommation évoluent, aujourd’hui on veut établir une vraie relation et s’identifier à la marque, le rapport n’est plus seulement commercial. Les consommateurs ne font plus confiance aux discours et, selon moi, il ne faut pas hésiter à mettre en avant l’expérience client réelle plutôt que la marque en tant que telle. Par exemple, pourquoi ne pas davantage impliquer sa communauté déjà engagée, en mobilisant ses clients « ambassadeurs » pour qu’ils expliquent pourquoi la promesse de l’entreprise est bien réelle ?

(1)Le storytelling est une méthode de communication qui consiste à transmettre les valeurs d’une marque à travers une histoire.

À propos de l'auteur

Anthony Fauré

Anthony Fauré

Anthony Fauré, Directeur Marketing et Innovation chez Unimev, accompagne les réflexions de la filière événementielle et ses entreprises sur ces sujets. Il fédère dans cette optique un ensemble d’acteurs (incubateurs, clusters, media, entreprises) afin de faire résonner ces sujets dans toutes les sphères d’influence. Il est par ailleurs en charge du contenu éditorial de l’Innovatoire.

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