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LA BAULE VILLE PHARE DU TOURISME D’AFFAIRES ET DE LA STRATÉGIE ÉVÉNEMENTIELLE (1ère partie)

Franck Louvrier

Franck Louvrier

Maire de La Baule-Escoublac

Sommaire

Interview de Franck LOUVRIER

MAIRE DE LA BAULE-ESCOUBLAC

PRÉSIDENT DE FRANCE CONGRÈS ET ÉVÉNEMENTS

par Bertrand Pulman

Nous poursuivons nos investigations concernant le rôle des événements dans le développement et le rayonnement des territoires. Après Cannes, Deauville et les Abymes en Guadeloupe, nous tournons nos regards vers La Baule, devenue aujourd’hui une ville phare du tourisme d’affaires et de la stratégie événementielle. Nous avons eu le privilège que le maire de La Baule-Escoublac accepte de nous en parler. Franck Louvrier, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, est un grand connaisseur du monde de l’événementiel, puisqu’il fut notamment président de Publicis Events et vice-président de Publicis Consultant. Tout récemment, il a été élu président de France Congrès et  Événements. Ses propos sur les enjeux qui entourent la filière ont donc une portée nationale et internationale. Nous compléterons prochainement ce dossier par une contribution de Corinne Denuet directrice générale du Palais des congrès et des festivals Atlantia | Jacques Chirac.

                     Franck Louvrier ©Emeline Roussel

C’est très simple. La Baule-Escoublac doit vivre à l’année. Or nous passons de 18.000 habitants l’hiver à 180.000 l’été. Il est donc crucial de parvenir à impulser et à soutenir une forte activité économique, sociale et culturelle, tout au long de l’année. C’est tout l’enjeu du tourisme d’affaires dans les villes touristiques.

Olivier Guichard, qui fut mon anté-prédécesseur, avait eu l’inspiration de créer un Palais des congrès et des festivals qui s’appelle Atlantia. Il a été inauguré en 1986 par Jacques Chirac. C’est largement grâce à ce Palais et à la ligne TGV depuis Paris que nous avons pu faire travailler ce qu’on appelle les ailes de saison. La Baule-Escoublac est devenue une ville balnéaire à l’année. Cette mutation a été provoquée en grande partie par le développement du tourisme d’affaires, le fameux MICE, la galaxie Meetings, Incentives, Conferences & Exhibitions. Les événements qui se sont multipliés permettent d’avoir une activité qui fait fonctionner à la fois les commerçants, les restaurateurs, les hôteliers. De ce fait, il y a deux ans, l’État nous a surclassé dans la strate des communes de 80.000-150.000 habitants. L’événementiel et le tourisme sont donc des fondamentaux de l’économie bauloise.

Il ne s’agit pas seulement de s’étendre sur l’année, mais aussi de devenir une référence en la matière. Compte tenu de la concurrence qui existe clairement dans le domaine du MICE, il faut se différencier.

Avec Corinne Denuet, directrice générale du Palais Atlantia, nous avons eu la préoccupation de développer l’enjeu RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) et ce qu’on appelle le tourisme durable. Nous avons une chance formidable par rapport à beaucoup d’autres destinations : de la capitale, on vient en TGV, soit le moyen de transport le plus écologique. Grâce à cette liaison, les entreprises considèrent dans leurs référencements que notre activité propose une empreinte carbone du congressiste moins défavorable que d’autres destinations. Ce positionnement est très important par rapport à la concurrence nationale et internationale, et nous avons donc développé cet outil.

Nous bénéficions aussi d’une grande diversité de l’offre. Ici, vous êtes entre l’océan Atlantique, le parc naturel régional de Brière et les marais salants. Nous ne sommes touchés ni par le surtourisme, ni par des phénomènes de pics de fréquentation, parce que notre offre s’étale de façon importante sur tout le territoire. Cela nous permet d’accueillir de nombreuses activités événementielles.

©La Baule-Escoublac

Nous possédons un véritable savoir-faire en matière de réception et d’organisation de grands évènements sportifs ou culturels. Ils peuvent être uniques, tel le passage de la flamme olympique. D’autres sont récurrents, et ils ont acquis une belle notoriété : Jumping international, Triathlon Audencia, Marathon de la Côte d’Amour Amaris, Festival du cinéma et de la musique de films, Festival de la fiction et du documentaire politique, Festival les Voiles de l’humour, etc. En outre, depuis que j’ai été élu, nous développons chaque année une thématique : en 2021 le cheval, en 2022 l’automobile, en 2023 l’Argentine, car nous avons accueilli la sélection nationale de rugby à l’occasion de la Coupe du monde, en 2024 l’Olympisme, et en 2025 le vélo. Ceci nous permet de montrer que nous avons la capacité de faire des événements sur un sujet, ce qui nous amène du même coup des clients en matière de congrès.

Nous avons des infrastructures assez extraordinaires. Nous sommes très bien équipés sur le plan hôtelier, avec plus de 1200 chambres. Nous avons aussi des installations sportives remarquables, avec notamment 41 terrains de tennis en terre battue, de nombreux centres équestres, un plan d’eau merveilleux qui permet de pratiquer tous les sports de nautique.

©La Baule-Escoublac

D’abord, il y a le défi de la liaison avec la capitale. Nous avons la chance d’avoir une ligne ferroviaire, mais cela nous place parfois dans une dépendance par rapport à l’incertitude de certaines prestations de SNCF. Face à cela, nous restons très vigilants.

Le deuxième défi, qui malheureusement ne relève pas de mes compétences, est celui de la météo. Même si nous avons la chance de voir arriver de plus en plus de « réfugiés climatiques » qui remontent du sud de la France, nous sommes aussi confrontés à cet enjeu. En 2025, il a fait un temps magnifique. L’année précédente, ce n’était pas le cas. Cette météo-dépendance est un élément complexe. Vous le savez, dans l’événementiel la dimension météorologique compte beaucoup. C’est une des raisons pour laquelle nous nous soucions de présenter une grande diversité de l’offre.

Un troisième enjeu important est celui de la clientèle étrangère. Nous avons à peu près 15 % de visiteurs étrangers, ce qui est assez faible. Nous pourrions faire mieux. Notre première cible est l’Europe du Nord. Nous avons sans doute à faire plus de promotion pour capter et accueillir davantage cette clientèle.

Comme je vous l’ai indiqué, le Palais des congrès et des festivals a été inauguré en 1986. Après la tempête Xynthia de 2010, la structure événementielle a fait l’objet d’une rénovation importante de plusieurs millions d’euros. Elle est donc tout à fait adaptée à la demande d’aujourd’hui.

Récemment, nous avons continué à investir considérablement. Au coeur du quartier de La Baule-les-Pins, nous avons transformé notre théâtre de Verdure pour en faire un lieu féérique permettant d’accueillir 1.400 spectateurs. Nous avons modernisé aussi d’autres infrastructures : le cinéma Gulf Stream en plein centre-ville, le complexe sportif Jean Gaillardon situé aux Salines, le club house du Yacht Club, etc. Surtout, nous sommes en train d’édifier un espace face-mer au-dessus du Casino. C’est un chantier extrêmement important pour nous. Le Palais des congrès et des festivals est à 200 mètres de la mer. La nouvelle structure le complètera, en nous permettant de recevoir 300 personnes avec une vue à 180 degrés sur la baie. En outre, nous voulons réhabiliter une salle afin de faire de la restauration pour 1.000 personnes sur le site des Salines.

Par ailleurs, nous avons beaucoup investi sur la mobilité douce. Il s’agit notamment de pousser les gens à utiliser le vélo et le vélo électrique. Nous avons aussi déployé un très grand nombre de bornes électriques pour recharger les véhicules : en proportion, La Baule-Escoublac est la ville la mieux équipée en France par rapport au nombre d’habitants. Tout ceci vise à amener les entreprises, les organisations et les personnes à choisir La Baule-Escoublac parce qu’il s’y présente une diversité de l’offre. Et cela profite aussi directement et indirectement aux résidents baulois.

©La Baule-Escoublac

Vous savez que je suis devenu récemment président de France Congrès et Événements, et donc cette question me tient à coeur. Je pense qu’il faut revoir la stratégie de l’État, et notamment le positionnement marketing de l’Agence Atout France, de façon à soutenir davantage le tourisme d’affaires. Il faut tirer les leçons de ce qui s’est passé après les Jeux Olympiques et Paralympiques. L’objectif n’est pas de recevoir plus de 100 millions de visiteurs, mais d’avoir des visiteurs de qualité. Il y a une dizaine d’années, on nous expliquait encore que le tourisme n’était pas délocalisable. Pourtant aujourd’hui, il l’est devenu fortement. De nouvelles destinations aussi diverses que Dubaï ou l’Albanie vont se tourner vers le tourisme d’affaires, et nous sommes donc en concurrence avec elles. La promotion en la matière ne se joue pas à l’échelle d’une région, encore moins d’une commune, parce qu’elles n’ont pas les moyens. L’État et Atout France sont très attendus là-dessus par la filière événementielle.

De plus, la plupart des Palais des congrès ont été construits dans les années 90. Il va falloir des investissements nouveaux pour les rénover et les remettre aux normes. La Baule-Escoublac l’a fait à la suite de Xynthia. Mais tout le monde n’est pas dans cette situation-là. Donc les collectivités, mais aussi l’État, devront avoir une stratégie en la matière.

©La Baule-Escoublac

Ce qui coute le plus cher c’est d’avoir la bonne idée. Nous avons la chance formidable que notre pays soit très créatif, et qu’il est reconnu comme tel dans le monde entier. Nous avons d’ailleurs eu cette magnifique vitrine qu’a constitué la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques. Nous sommes aussi excellents dans des secteurs qui allient technicité et créativité : l’animation vidéo, le son et la lumière, etc. Cette force créative nous met clairement au-dessus de la pile, devant la Chine, et même souvent les États-Unis. J’ai été président de Publicis Events pendant six ans, et je connais bien ce secteur. Et c’est vrai que nos directeurs artistiques ont cette capacité à pouvoir se projeter dans des événements qui sont de grande qualité créative. Donc il faut qu’on continue à conserver cette créativité. Une fois que vous avez eu la bonne idée, vous pouvez tout vendre.

©La Baule-Escoublac

Nous avons coutume de dire que « nous laissons toujours sa chance au produit ». Aussi, nous mettons tout en oeuvre pour que les initiatives en matière d’évènements voient le jour : mise à disposition gratuite d’un site, déploiement des vecteurs de communication de la ville (site Internet, réseaux sociaux, publications écrites, affichage public…), autorisations diverses dérogatoires, et même parfois conseils sur la faisabilité du fait de notre expérience.

D’une façon générale, la transmission est à mes yeux ce qu’il y a de plus important. Donc, je pousse énormément à ce qu’on puisse avoir dans chaque organisation des étudiants, des alternants, des stagiaires. C’est ainsi qu’on arrive à pérenniser nos talents. De plus, cela nous permet aussi à nous qui avons passé la cinquantaine, de capter ce que perçoit la jeune génération, par exemple avec les réseaux sociaux. Cette transmission transgénérationnelle doit être permanente. On l’a vu avec les industries créatives : il ne doit pas y avoir un monopole de ceux qui savent. Il doit y avoir une transmission de ceux qui savent à ceux qui savent moins pour pouvoir nourrir les bonnes idées émergentes.

Sur ce territoire, nous en avons un exemple frappant avec le Puy du Fou. Chacun pense ce qu’il veut de ce parc d’attractions, mais il faut reconnaître qu’en matière événementielle, et précisément dans les domaines de la créativité et de la transmission, ce qui s’y passe est impressionnant. Il s’agit sans doute de l’une des structures événementielles qui dépose le plus de brevets en France. Et il s’agit d’un site qui joue un rôle essentiel dans la formation et la transmission, puisqu’il y a beaucoup de jeunes personnes qui viennent apprendre au Puy du Fou les technologies du spectacle. Je prends cet exemple là, mais il y en a d’autres. Souvent ce ne sont pas des grandes structures mais des PME-PMI qui se préoccupent de la transmission intergénérationnelle. Ces dimensions d’éclosion et d’accompagnement de la jeunesse sont cruciales à mes yeux.

©La Baule-Escoublac

La ville de La Baule-Escoublac est à l’avant-garde en matière de prise en compte des enjeux environnementaux. Dans le cadre de tous nos aménagements et travaux, nous déployons une stratégie globale de développement durable et de transition énergétique ambitieuse : plan de sobriété énergétique des bâtiments municipaux, gestion économe de l’eau avec récupération des eaux de pluie, développement d’Ecoplage, (système de thalassothermie), renaturation des sites, végétalisation de la future promenade de mer, plan Vélo, déploiement de bornes de recharge pour véhicule électrique sur l’ensemble du territoire de la ville, label Pavillon bleu pour nos eaux de baignade, respect de la biodiversité, zéro engrais et zéro pesticide chimiques. Nous abordons ces enjeux de façon transversale et non au cas par cas, et nous sommes à la pointe de l’innovation dans ce domaine : ainsi, nous avons le premier ponton solaire de la façade Atlantique dans notre port de La Baule-Le Pouliguen. Nous réfléchissons à la création d’une usine de désalinisation de l’eau de mer pour tout ce qui est arrosage public. Nous envisageons de développer le photovoltaïque autour de notre aérodrome pour à terme y installer une station d’hydrogène. Et il ne faut pas oublier que Atlantia a été un des premiers Palais des congrès certifié ISO 20121 et que La Baule est labelisée « Destination innovante durable ».

Tous ! Chacun de nos événements est important, parce que nous cherchons à satisfaire tous les goûts avec si possible de la qualité. Nous avons des événements et manifestations tous publics, intergénérationnels, d’autres plus sélectifs voire parfois élitistes. Mais nous tenons à une programmation éclectique, large et ouverte à tous : musique classique, chanson française, jazz, rock’n’roll, théâtre, opéra ou ballets, cinéma sous toutes ses formes, humour, rencontres avec des écrivains, rendez-vous économiques… Lorsque nous sommes arrivés à l’été 2020, il y avait « des trous dans la raquette », comme on dit. Que ce soit la municipalité ou Atlantia, nous nous sommes mobilisés pour en combler le maximum et pour faire en sorte qu’il n’y ait pas un week-end à La Baule-Escoublac sans événements ou manifestations. C’est beaucoup d’énergie, beaucoup de travail, mais c’est le prix à payer pour maintenir notre attractivité vitale. Et finalement, nous sommes tous plutôt satisfaits des résultats.

©La Baule-Escoublac

À propos de l'auteur

Franck Louvrier

Franck Louvrier

Maire de La Baule-Escoublac

Président de France Congrès Évènements

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