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Quand l’inclusion et l’accessibilité dans l’événementiel deviennent moteurs d’innovation et de créativité

Gauthier Renaud

Gauthier Renaud

Responsable Développement Durable

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Les événements sont de véritables laboratoires d’expériences collectives. On y partage des émotions, des rencontres, des découvertes qui façonnent notre lien social et notre manière de faire société. Qu’il soit culturel, professionnel ou sportif, un événement reste une opportunité unique de s’émouvoir, d’apprendre et de se rassembler.

C’est pourquoi le secteur de l’événementiel porte une responsabilité particulière : permettre à toutes et tous de participer pleinement à ces moments de partage. En France, environ 12 millions de personnes vivent avec un handicap — soit près d’un Français sur cinq — et 80 % de ces handicaps sont invisibles : sensoriels, cognitifs ou psychiques (sources : DREES, INSEE, Handicap.gouv.fr, 2024).

Pendant longtemps, “accessibilité” rimait avec obligation ou contrainte réglementaire. Aujourd’hui, le sujet devient au contraire un terrain d’innovation, de créativité et d’expérimentation pour les acteurs du secteur. Organisateurs, sites et prestataires intègrent désormais l’accessibilité non plus comme une case à cocher, mais comme un levier d’expérience et un moteur de transformation pour repenser la façon d’accueillir.

1) D’un cadre réglementaire à une culture de l’accueil

Historiquement, le cadre réglementaire est le point d’ancrage d’une démarche d’accessibilité au sein d’une entreprise. Rampes d’accès, ascenseurs, banques d’accueil adaptées… Les sites événementiels intègrent de fait ces contraintes lorsqu’ils construisent ou rénovent leurs bâtiments. C’est un point de départ nécessaire, mais pour certains, loin d’être suffisant.

À la Cité des Congrès de Nantes, Sophie Houmeau, responsable RSE, partage cette vision :

Nous sommes partis du réglementaire, bien sûr. Nous avons remis aux normes nos installations. Mais nous avons souhaité aller plus loin sur le sujet. Lors du Festival des Utopiales, par exemple, les équipes ont expérimenté énormément de choses — de la tarification solidaire à la traduction en langue des signes, en passant par des dispositifs d’accueil adaptés à différents publics.”

L’accessibilité traduit alors une réelle culture de l’accueil, un véritable sens du partage dans lequel les acteurs événementiels intègrent de nouvelles notions pour accueillir tous les publics.

On parle souvent d’aménagement, mais l’accessibilité, c’est aussi permettre à tout le monde de participer aux événements, d’accueillir tout le monde dans les meilleures conditions ”, ajoute Sophie Houmeau.

Changer de regard sur la manière d’accueillir le public en situation de handicap, c’est reconnaître la diversité des besoins et s’y adapter — qu’ils soient moteurs, sensoriels, cognitifs ou sociaux. Trop longtemps cantonnée à la mise en place de rampes PMR, l’accessibilité devient aujourd’hui une philosophie de l’attention, une manière d’enrichir l’expérience collective.

2) L’inclusion, moteur d’innovation dans l’événementiel

Le principe même de l’innovation consiste à imaginer de nouvelles réponses à des besoins encore insatisfaits. Et c’est précisément ce que l’accessibilité invite à faire.

Dans le cadre événementiel, cela conduit à questionner nos usages, nos processus de circulation, de signalétique, d’accueil ou de services numériques. Cet effort collectif peut créer de nouveaux standards de filière pour les décennies à venir.

Ce travail est incarné par des entreprises innovantes, telle qu’Ezymob, qui s’est attelée à la problématique de la circulation des personnes en situation de handicap visuel lors d’un événement. Grâce à une application utilisant l’intelligence artificielle, la solution facilite leur mobilité, renforce leur autonomie et améliore considérablement l’expérience visiteur.

« Grâce à un travail de cartographie et de recensement des différents points d’intérêt (sanitaires, accueil, stands, salles de conférences, etc.), nous sommes capables de guider une personne déficiente visuelle d’un point A à un point B », explique Camille Maldjian, co-fondatrice de l’entreprise.

Grâce à ces solutions, les organisateurs ou les sites ont la capacité de proposer concrètement des solutions nouvelles et innovantes à leurs participants. Mais encore faut-il que ces derniers incarnent cette transformation.

Dans un contexte particulier, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 sont parvenus à incarner cette bascule.

Le contexte des Jeux a créé un environnement favorable à l’innovation… et à l’innovation accessible”, explique Pedro, membre de l’équipe accessibilité.

L’une des grandes forces de Paris 2024 a été d’intégrer l’accessibilité à tous les niveaux du projet. Chaque métier — billetterie, technique, logistique — devait l’inclure dans sa réflexion. Une équipe dédiée, composée d’experts de l’accessibilité, accompagnait les pôles innovation et opérationnels pour insuffler un réflexe d’accessibilité à chaque étape.

Penser accessibilité, c’est en réalité penser design centré utilisateur : observer les usages, comprendre les obstacles, simplifier les parcours. L’idée n’est plus de faire “pour” mais “avec”, afin d’identifier réellement les attentes et de proposer des services plus adaptés.

L’accessibilité nous pousse à revoir nos évidences. Elle nous rend plus créatifs”, confie Sophie Houmeau. “Un événement inclusif s’adresse à des publics variés, et cela oblige à imaginer d’autres façons de circuler, de communiquer, de ressentir.”

En plus des solutions innovantes, technologiques ou pas, il est également possible de se rapprocher des associations locales, expertes de ces sujets pour vous aiguiller dans vos choix stratégiques.

À Nantes, les productions culturelles des Utopiales ou de la Folle Journée se font accompagner par des associations très investies. La prochaine étape sera de réaliser un diagnostic complet des deux lieux — la Cité des Congrès et le Parc des Expositions — avec des personnes en situation de handicap”, précise Sophie Houmeau.

Cette mobilisation montre comment l’alliance entre associations, start-up et méthodes d’innovation — design thinking, expérimentation, retours utilisateurs — permet de co-construire des solutions réellement adaptées.

Les associations apportent le regard terrain et l’expertise des besoins des individus, tandis que les start-up traduisent ces retours en solutions agiles et concrètes.

Peu à peu, les acteurs de l’événementiel inventent une nouvelle manière de créer des expériences inclusives, à la fois plus justes et plus humaines.

3) Vers une nouvelle esthétique de l’accueil

L’accessibilité n’est plus une case à cocher mais un levier de coopération, d’attention et d’innovation.

En réinventant leurs façons d’accueillir, les acteurs de l’événementiel inventent une esthétique nouvelle — celle du prendre soin du collectif.

Pour Pedro, l’accessibilité, c’est d’abord une question d’héritage :

Ce qu’on conçoit aujourd’hui doit continuer à être utile demain. Durant les JOP, nous avons adapté les équipements des douches et des toilettes grâce à l’impression 3D,

pour faciliter la vie des personnes vivant sans main. Ces dispositifs pourront être réutilisés à l’avenir. »

Au-delà des grandes manifestations, des start-ups comme Ezymob mettent ces principes en œuvre au quotidien pour améliorer l’expérience des utilisateurs et créer de nouveaux standards.

« Nous construisons nos solutions main dans la main avec des utilisateurs ayant des déficiences visuelles ou cognitives. Leurs retours orientent chaque évolution, garantissant des dispositifs réellement adaptés et durables », explique Camille Maldjian.

« Dans certains événements, nous installons des salles silencieuses (quiet rooms) pour permettre à chacun — déficient ou non — de se reposer face à l’intensité des échanges et du bruit. C’est une manière concrète de prendre soin de son audience. » poursuit-elle.

Créer des parcours lisibles, une atmosphère apaisée, une signalétique inclusive ou un espace de repos sensoriel, c’est mettre le bien-être du participant au cœur du design événementiel. De plus en plus de lieux et d’organisateurs adoptent cette démarche test & learn : expérimenter à petite échelle, mesurer, améliorer.

En s’associant à des start-ups, des associations ou à des laboratoires d’innovation, ils développent une culture commune — celle du “prendre soin collectif”, où l’accueil n’est plus une formalité, mais une expérience à part entière.

Et si, finalement, l’avenir de l’événementiel se jouait là — dans cette capacité à créer des émotions accessibles à tous, sans exclure personne du spectacle ?

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Gauthier Renaud

Gauthier Renaud

Responsable Développement Durable

Responsable RSE UNIMEV

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