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La Philharmonie Luxembourg, bien plus qu’une salle de concert…

Bertrand Pulman

Bertrand Pulman

Professeur honoraire de sociologie et d’anthropologie à la Sorbonne Paris Cité. Rédacteur en chef de L’Innovatoire.

Sommaire

par Geoffroy GUIRAO

Head of Artistic Production & Orchestra Operations Division



Inaugurée en 2005, la Philharmonie Luxembourg est aujourd’hui l’une des grandes scènes musicales d’Europe. Conçu par l’architecte français Christian de Portzamparc, son bâtiment de 44.000 m³ est reconnaissable entre tous grâce à ses 823 colonnes blanches. Réputée pour son acoustique exceptionnelle, la salle est le lieu de résidence de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg. Chaque saison, près de 500 concerts y sont programmés.

Depuis vingt ans, la Philharmonie Luxembourg s’est imposée comme un lieu majeur de la vie culturelle du Luxembourg et de la Grande Région. Si son acoustique remarquable, élaborée avec soin dès sa conception, a séduit les plus grands orchestres internationaux, c’est surtout sa capacité à se réinventer et à diversifier ses activités qui fait la force de cette institution.

Conçue pour accueillir les grandes formations symphoniques, la salle luxembourgeoise a très vite élargi son horizon. Jazz, musiques du monde, création contemporaine, ciné-concerts, projets éducatifs, formats participatifs, ateliers, séances de yoga en musique ou encore festivals thématiques – comme ceux dédiés aux musiques nouvelles et aux musiques lusophones – témoignent d’une programmation riche et ouverte. Une diversité qui ne sacrifie jamais ni l’exigence artistique, ni la qualité sonore.

© Ines Rebelo de Andrade

Des espaces adaptés à chaque expérience

La Philharmonie ne se limite pas aux concerts : elle propose aussi des formats innovants pour diversifier l’expérience musicale et culturelle. Séances de yoga en musique, « Discovery Nights », ateliers participatifs ou expériences immersives pour jeunes publics, ces initiatives permettent de découvrir la musique autrement et de créer des moments interactifs et mémorables.

Cœur battant de la Philharmonie, le Grand Auditorium impressionne autant par son volume – 20 000 m³, 1 500 places – que par son acoustique, pensée jusque dans les moindres détails. Les huit tours de loge, disposées de façon irrégulière, favorisent une diffusion homogène et immersive. La scène repose sur 21 plateformes modulables, capables d’accueillir jusqu’à 120 musiciens. Fruit du travail de l’acousticien Albert Yaying Xu, en collaboration avec le bureau français Avel, l’espace offre une réverbération ajustable entre 1,7 et 2,2 secondes grâce à des réflecteurs mobiles, des rideaux absorbants et des trappes situées au plafond. Une équation parfaite pour les productions amplifiées. « Le grand atout acoustique des salles réside dans la collaboration très étroite entre l’architecte et l’acousticien, engagée dès le début du projet », souligne Laurent Watgen, Head of the Technical Division.

À côté du Grand Auditorium, deux autres espaces complètent l’offre. La Salle de Musique de Chambre (313 places) offre une atmosphère intime, idéale pour les récitals et les petits ensembles. Deux murs courbes en forme de coquilles et un réflecteur suspendu garantissent une projection sonore équilibrée. Une simple rotation du piano peut en modifier radicalement l’acoustique ! L’Espace Découverte, modulable et polyvalent, se prête quant à lui aux formats les plus innovants : musique expérimentale, spectacles jeune public, ateliers ou séances de yoga. Doté de parois mobiles, il peut accueillir jusqu’à 180 personnes.

« La synergie entre l’architecte et l’acousticien a influencé non seulement le choix des matériaux (sols, murs, plafonds, sièges…), mais également la forme et les proportions des salles (longueur, largeur, hauteur), résume Laurent Watgen.

Résultat : une acoustique parmi les plus sophistiquées au monde, à la fois précise, chaleureuse et adaptable. »

© Sébastien Grébille

Une modernisation au service de tous

Au-delà de sa programmation, la Philharmonie met également ses espaces à disposition pour des événements externes. Ces différents espaces peuvent accueillir conférences, afterworks, réceptions privées, lancements de produit ou événements institutionnels. Chaque année, près de 100 événements externes s’y déroulent, permettant à des publics variés de profiter de lieux uniques, au cœur du quartier européen du Kirchberg.

Pour accompagner sa diversification, la Philharmonie s’est dotée début 2025 d’un nouveau système de sonorisation : le K3 de L-Acoustics. Discret mais redoutablement performant, il garantit une qualité sonore optimale pour tous les styles, du classique acoustique aux musiques amplifiées. « Le système installé il y a vingt ans fonctionnait toujours, mais la technologie a évolué. Après avoir comparé plusieurs fabricants, nous avons choisi le K3, unanimement accepté par toutes les productions accueillies jusqu’à présent. La préparation des concerts n’a pas changé, mais la qualité sonore s’est nettement améliorée », explique Laurent Watgen.

Depuis l’automne 2024, la Philharmonie est entrée dans une nouvelle phase de son histoire avec un chantier d’extension dont la fin est prévue pour mi-2027. Objectif : mieux accueillir le public, améliorer les conditions de travail des artistes et répondre à la croissance des activités. L’un des enjeux majeurs étant d’optimiser les flux logistiques. « Aujourd’hui, tout le matériel destiné au Grand Foyer doit passer par l’entrée principale ou deux ascenseurs administratifs. Avec l’extension, un monte-charge reliera directement le quai de livraison, la Place de l’Europe et le Grand Foyer », précise Laurent Watgen.

Développée sur deux niveaux, la nouvelle aile accueillera un restaurant de plus grande capacité avec cuisine de production, ainsi qu’une salle polyvalente. Celle-ci pourra recevoir des afterworks, des ateliers, des conférences ou encore des réceptions privées, et sera dotée d’un balcon offrant une vue imprenable sur la place de l’Europe, au cœur du quartier d’affaires et européen du Kirchberg.

« Avec cette extension, nous avons vraiment réfléchi à comment améliorer l’expérience de nos visiteurs, avant et après les concerts », ajoute Stephan Gehmacher, Directeur de la Philharmonie.

Confiée à l’agence 2Portzamparc, en partenariat avec CBA – Christian Bauer & Associés Architectes, l’architecture reprendra les courbes dynamiques du bâtiment signé Christian de Portzamparc, assurant ainsi une continuité harmonieuse entre l’existant et le nouveau. Et surtout : la Philharmonie reste ouverte tout au long des travaux ! Une manière de rester fidèle à sa mission première : rassembler autour de la musique tout en préparant l’avenir.

© Simon Dirsing

Responsabilité sociétale et durabilité

Entre la construction initiale et l’extension actuelle, la Philharmonie a fait évoluer sa prise en compte des enjeux RSE. Dès la conception, l’attention portée aux matériaux et à l’acoustique s’inscrivait déjà dans une logique de durabilité. Aujourd’hui, cette ambition s’élargit : optimisation énergétique du bâtiment, réduction des flux logistiques grâce au nouveau monte-charge, intégration de technologies plus sobres, mais aussi choix de partenaires privilégiant des pratiques responsables.

Depuis l’été 2020, le toit de la Philharmonie est également équipé de panneaux photovoltaïques. Cette installation couvre en temps réel une partie des besoins en énergie électrique de l’institution, tandis que le surplus est directement injecté dans le réseau. Aucune batterie n’est utilisée, ce qui permet un fonctionnement simple et efficace, en cohérence avec la volonté de réduire l’empreinte énergétique du bâtiment.

Côté programmation et accueil, l’institution met également en avant une dimension inclusive et citoyenne, qu’il s’agisse d’initiatives éducatives, d’événements participatifs, ou de démarches visant à rendre la culture accessible à un public toujours plus diversifié. Autant de leviers qui renforcent l’impact de la Philharmonie en tant qu’acteur culturel engagé, ouvert et tourné vers l’avenir.

À propos de l'auteur

Bertrand Pulman

Bertrand Pulman

Professeur honoraire de sociologie et d’anthropologie à la Sorbonne Paris Cité. Rédacteur en chef de L’Innovatoire.

Auteur des livres : Salons. Rencontres et surprises (2019) et Le cœur battant des 24 Heures du Mans. Eloge de l’Endurance (2024) parus chez Dunod.

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