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Le Sommet de l’Élevage, parmi les clefs du succès d’un évènement devenu un leader mondial, l’utilisation alternative et innovante du digital

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Entretien avec Victor Berthon, Directeur développement et digital

Le Sommet de L’Élevage, comme son nom l’indique, est un événement international consacré à l’élevage qui a lieu chaque année à Clermont Ferrand. Cette manifestation a été créée en 1992 à l’initiative de Fabrice Berthon. Elle est devenue aujourd’hui un leader mondial, rendez-vous incontournable non seulement des éleveurs, mais aussi des acteurs du machinisme agricole, de l’agrofourniture, des agri-énergies, etc.

La prochaine édition aura lieu du 1er au 4 octobre 2024. Elle accueillera, sur 220.200 m2 d’exposition, 2 000 animaux de 70 races, 1 700 exposants provenant de 35 pays, 130 conférences. On y attend 120 000 visiteurs, dont 5 000 étrangers en provenance de 90 pays. Le Sommet abritera notamment le concours national de la race Salers, le concours européens de la race Simmental, le Concours dit des « Sommets d’Or » récompensant les meilleures innovations techniques. Résolument axé sur l’élevage durable, le Sommet est une vitrine de l’élevage et de l’agriculture du futur. Il s’agit d’un carrefour d’affaires international. Cela n’empêche pas que chaque année l’ambiance y est conviviale et festive, avec des soirées organisées par les Jeunes Agriculteurs, la région Auvergne Rhône-Alpes, la filière laitière, … 

L’essor et le succès de cette manifestation repose sur un équilibre subtil entre un profond respect de la tradition et l’ultra-modernité. Cette réussite tient notamment à une utilisation innovante et maitrisée d’outils digitaux très sophistiqués, dont le fleuron est un média alternatif dénommé le « Comptoir des éleveurs ». C’est ce que nous explique Victor Berthon, Directeur développement durable et digital, dans un long et passionnant entretien qu’il a bien voulu nous accorder. 

Victor Berthon : Le Sommet de l’Elevage a 32 ans. Pour la petite histoire, mon père l’a créé l’année de ma naissance, c’est donc un peu mon frère jumeau, et je n’ai jamais su lequel de ses fils il préfère d’ailleurs ! » 

A la base c’était un petit événement, même pas à Clermont-Ferrand mais dans un petit camping juste à côté, à Cournon d’Auvergne. Une centaine d’exposants avaient été réunis, quelques agriculteurs et machinistes, 1 000 animaux, et 7 000 à 8 000 visiteurs sur le week-end.

Nous avons progressé marche après marche, nous ne voulions pas nous brûler les ailes en allant trop haut, trop vite. C’était dur dans un milieu agricole très atomisé en France de fédérer et de faire venir les agriculteurs de toutes les régions de France dans le Massif central. Au bout de 10 ans, nous étions bien installés en région, au bout de 20 ans, nous étions bien installés nationalement. Au bout de 30 ans, nous sommes devenus l’un des deux plus grands événements mondiaux dans le secteur, un rendez-vous économique, politique et social incontournable.

Pour vous donner une idée de la dimension de l’événement aujourd’hui à Clermont Ferrand Cournon, puisque nous avons depuis bien sûr intégré le Parc des Expositions, c’est intéressant de comparer avec le Salon de l’Agriculture de Paris, que tout le monde connait, et qui accueille 30 000 visiteurs professionnels, 300 animaux, sur une surface d’exposition 3 fois plus petite. Je précise que le Salon de l’Agriculture de Paris n’a pas du tout le même objet que notre événement, puisque c’est un salon grand public, une vitrine de communication et un outil politique pour la profession agricole au sens large, bien au-delà de l’élevage.

VB : Je m’occupe de l’innovation, du développement sous toutes ses formes : commercial, international, digital, en communication…au sein d’une équipe d’une dizaine de collaborateurs permanents uniquement. En effet, nous préférons nous entourer des meilleurs prestataires spécialistes dans leur domaine, avec lesquels nous travaillons au quotidien. 

Quant à mon parcours, j’ai d’abord fait mes preuves pendant 10 ans dans l’événementiel dans divers pays à l’international avant de rejoindre mon père. J’ai dû rentrer en France au moment du COVID comme beaucoup, et mon père m’a alors proposé de reprendre cette partie développement / innovation digitale sur laquelle j’avais beaucoup travaillé dans mes expériences précédentes, par exemple pour la COP25 : comment animer une communauté tout au long de l’année, comment mettre en place une marketplace, comment développer la data…

Quant à mon parcours, j’ai d’abord fait mes preuves pendant 10 ans dans l’événementiel dans divers pays à l’international avant de rejoindre mon père. J’ai dû rentrer en France au moment du COVID comme beaucoup, et mon père m’a alors proposé de reprendre cette partie développement / innovation digitale sur laquelle j’avais beaucoup travaillé dans mes expériences précédentes, par exemple pour la COP25 : comment animer une communauté tout au long de l’année, comment mettre en place une marketplace, comment développer la data…

VB : En préambule, je tiens à dire qu’il ne faut pas opposer digital et présentiel. C’est très complémentaire au contraire. Le Sommet de l’Elevage reste le point d’orgue de notre société, le digital sert d’abord l’efficacité de l’événement physique. Tout notre dispositif a été conçu comme cela. Nous sommes partis d’une plateforme pour organiser des rendez-vous, capter de la donnée, pour enrichir l’événement physique. Nous avons axé notre développement autour de plusieurs grands outils connectés entre eux avec des data circulaires issues du comportement des agriculteurs sur l’événement ou la plateforme.

Le Comptoir des Eleveurs a été conçu pour être Le Sommet de l’Elevage tout au long de l’année, qui recense les articles et vidéos consultées par les agriculteurs ; ce qui nous permet, en fonction de leurs centres d’intérêt et de leur localisation géographique, de leur proposer des offres adaptées issues de notre marketplace.

Quand vous vous inscrivez au Sommet de l’Elevage, vous pouvez également vous inscrire en un clic au Comptoir des Eleveurs. Et nous l’ouvrons aussi aux non-exposants car le but est de créer une communauté la plus large et la plus exhaustive possible.

En 6 mois nous avons déjà recensé 4 000 articles uniquement sur l’élevage, et 2 000 vidéos sur la plateforme.

Au sein de ce Comptoir, nous avons aussi développé le Réseau des Prosnotre réseau social, une sorte de LinkedIn pour les agriculteurs. C’est un outil très précis de promotion pour nos marques car lorsqu’elles postent une vidéo sur ce réseau, elle est vue par une sélection d’agriculteurs qui ont exprimé un intérêt sur leur sujet via leur comportement sur la plateforme, et constituent autant de prospects chauds qualifiés avec un email. Nous commençons à vendre des parcours d’engagement sur les cibles intéressées. Pour les actualités, nous sommes connectés à 28 magazines agricoles, et nous écrivons aussi nos propres articles dans notre blog. Nous publions des podcasts de la communauté, nous avons de nombreuses collaborations avec des agri influenceurs… Au bout de 6 mois d’existence, nous avons atteint 5 000 membres, avec un objectif de 30 000 en fin d ‘année qui sera facilement atteint car nous avons développé une application mobile deux en un, d’abord utilisée pour le Sommet, avec 27 000 abonnés, qui va se convertir ensuite en application pour le Réseau des Pros. Nous développons aussi beaucoup notre application mobile, les notifications, nous sommes de plus en plus mobile first.

Nous sommes en train de construire un media alternatif pour les éleveurs, le BRUT ou le Konbini de l’Elevage. Avec nos partenaires, nous allons tourner des vidéos pour les marques, avec un journaliste ou un expert et nous mettons à disposition ensuite notre capacité de distribution pour les diffuser : notre application mobile, nos newsletters, notre site internet, le Réseau des Pros…

Enfin, nous sommes également en train d’intégrer au sein du Comptoir des Eleveurs toutes les références des boutiques des exposants et des grandes marques du secteur au sein de notre marketplace. Nous avons déjà plus de 2 000 produits référencés, mais nous en attendons plus de 100 000 !

Sur la marketplace, nous favorisons nos exposants, ceux que l’on connait déjà. Nous sommes capables aujourd’hui, avec l’expérience, de ne conserver que les sociétés sérieuses.

Nous ne prenons que 10% de commission sur les flux financiers générés pour les exposants et 20% pour les non-exposants. C’est 40% en moyenne sur les marketplaces en général.

VB : En fait, il y a plus de risques aujourd’hui à ne pas prendre de risques. Il y a en effet des pure players qui n’ont rien à voir avec le milieu agricole qui sont en train de venir sur notre secteur. Mais notre outil est fait par des agriculteurs pour des agriculteurs, c’est profondément notre ADN, comme pour le Sommet. Notre grande force est que nous sommes complètement partie prenante dans le secteur. 

VB : Nous utilisons des solutions SaaS[1]. Nous avons comme parti pris de ne pas développer en propre afin de ne pas être dépassés dans le temps quand la technologie évolue. Nous travaillons avec des prestataires de talent issus de la tech[2] pour développer notre plateforme et rester au fait de l’évolution technologique.

Autre grand principe, nous faisons le choix de prestataires 100% français et nous préférons intégrer les dernières solutions proposées par les spécialistes de chaque sujet plutôt que de nous adresser au « médecin généraliste ». Nous sommes sûrs ainsi de bénéficier des dernières innovations dans chaque spécialité. Enfin, nous développons toujours ces nouveaux outils en co-construction avec nos exposants.

VB : Sur le Sommet, nous mettons en effet en avant l’innovation sur La Grange à Innovations, un village de startups en collaboration avec le crédit Agricole et les villages by CA entre autres, et via les Sommets d’or, une compétition d’innovation organisée avec le groupe de presse Réussir. 

L’innovation est aussi beaucoup sur les stands. Un agriculteur est quelqu’un de concret qui a besoin de toucher, et une machine qui coûte 300 K€, il ne va pas l’acheter sur internet.

Un agriculteur par définition n’a pas de temps, une vache a besoin d’être accompagnée tous les jours…Quand un éleveur vient au Sommet, c’est son supermarché. Un agriculteur a un peu plus de 50 fournisseurs. En un seul moment sur le Sommet il peut voir les dix innovations sur les stands des 10 constructeurs qui proposent le type de machine qu’il doit acheter. Cela lui évite de devoir se déplacer chez dix concessionnaires différents sans être même sûr que le concessionnaire aurait la dernière innovation présentée en concession. C’est précieux. 

Nous participons à la CEC, la Convention des Entreprises pour le Climat. En tant que Sommet de l’Elevage, au début, les écologistes nous regardaient de travers. Mais quand nous avons expliqué qu’un agriculteur a 10 catégories de fournisseurs avec 50 fournisseurs par catégorie, et que nous lui faisons donc économiser 500 déplacements en lui permettant de tous les rencontrer sur un déplacement sur le Sommet, nous avons été mieux accueillis et notre utilité reconnue.

VB : Nous sommes et restons à Clermont Ferrand Cournon car nous voulons être au cœur du bassin de production, au centre de la France, où par exemple nous organisons des visites de 35 élevages dans la région pour les internationaux. Il y a 120 000 personnes qui viennent sur le Sommet et nous n’avons pourtant que 4 000 chambres en proximité. Mais les gens se logent à Vichy, à Saint Etienne, à Lyon, même certains à Paris…Nous avons besoin de 220 000 m2 d’exposition, 35 hectares. Pourquoi le Massif central ? Vous ne réalisez pas mais le Massif Central c’est 19 départements, c’est plus grand que l’Irlande, deux fois la Belgique, deux fois le Portugal, c’est la plus grande prairie d’Europe, donc c’est normal d’avoir le Sommet de l’Elevage dans la plus grande région de production d’Europe. Pour nous c’est même essentiel. 

Un autre facteur clé de succès tient aussi dans les tarifs attractifs que nous permet le Massif Central. Nos grandes marques ont l’habitude de faire des gros événements aux USA où les tarifs sont beaucoup moins élevés. Nous nous devons aussi de leur proposer des événements au coût contact compétitif. 

Nous ne percevons aucune subvention mais la Région Auvergne Rhône Alpes nous soutient et a fait construire une deuxième halle. Nous aurions besoin d’une troisième et il y a encore des champs autour que nous pourrions investir…

VB : Nous sommes plus qu’un salon, nous aimons dire que nous sommes le Comice agricole du 21ème siècle. Pour nous, la convivialité est primordiale. Nos exposants leaders organisent de grandes fêtes, un Before, un After, nous sommes un vrai festival, et nous proposons une restauration de très bonne qualité. Vous ne pouvez pas faire manger une mauvaise côte de bœuf à un éleveur ! Il faut comprendre que d’habitude, ce sont les concessionnaires qui se déplacent pour aller présenter leurs produits aux agriculteurs. Sur le Sommet, ce sont les concessionnaires qui reçoivent et les agriculteurs sont très bien reçus ! C’est très festif ! Imaginez des braseros géants sur les stands, des bœufs à la broche, des bandas dans les allées…J’ai une formule : un salon agréable la journée et le soir une fête utile. C’est assez exceptionnel !

VB : Nos revenus proviennent en majorité de la vente de stands, même si j’aime à dire que nous appliquons la politique de « Leclerc », c’est à dire toujours les prix les moins chers. Nous sommes à 30€/m2 nu en extérieur. En intérieur, nous manquons de place, nous sommes à 200€/m2 nu. Ce sont volontairement des prix bas, nous pourrions les doubler et nous serions quand même pleins. Mais comme je le disais, nous voulons rester alignés sur les autres grands événements à l’international. Puis nous vendons des produits de communication aux marques ou aux partenaires, pendant le Sommet, ou tout au long de l’année maintenant grâce à nos nouveaux outils digitaux.

Le Sommet de l’Elevage est une composition 100% agricole. Notre actionnariat n’est constitué que d’organisations professionnelles agricoles, pas une seule n’est majoritaire, mais c’est comme cela que nous avons réussi à construire un événement qui fédère. Nous avons ouvert notre capital à la Chambre d’agriculture de Bourgogne, de PACA, d’AURA, d’Occitanie, de Nouvelle Aquitaine…,nous sommes aussi allés chercher les jeunes agriculteurs, des syndicats, pour que toute la filière soit fédérée et ait intérêt à soutenir son événement.

Nous ne distribuons pas de dividendes, tout est réinvesti au service du monde agricole dans le Sommet, c’est une volonté.

VB : Nous avons modernisé et professionnalisé notre image. Auparavant notre baseline était « Les grandes Races au cœur des grands Espaces », aujourd’hui nous sommes « le Mondial de l’Elevage durable ». L’enjeu est de rester le rendez-vous de l’élevage durable dans la durée. L’agro écologie, c’est être fiable, écoresponsable et équitable entre les éleveurs. Notre mission est d’accompagner notre filière sur ces 3 grands enjeux pour lui apporter tous les outils pour devenir de plus en plus durable et agro écologique.

Autre enjeu, continuer à grandir pour faire grandir notre filière. Pour être visible et entendu, notre secteur a besoin d’un grand rendez-vous porte-parole.

Enfin, l’innovation est plus que jamais un de nos axes de développement majeurs, autour du digital, de la data. Nous avons encore besoin d’innover dans un secteur où malgré les idées reçues, un agriculteur est plus connecté qu’un docteur aujourd’hui, car par définition un agriculteur est isolé et il a besoin du numérique pour gagner du temps et se connecter au monde depuis son exploitation qu’il quitte peu. Le nombre d’agrinautes, ces agriculteurs très connectés, monte en flèche. Pour l’agriculteur la numérisation est un outil quotidien pour gagner du temps. Nous devons l’intégrer dans notre offre de services à nos exposants et visiteurs.

Nous sommes fiers d’être aujourd’hui considérés comme le mondial de l’élevage durable, et d’avoir parié très tôt sur ce positionnement, un modèle respectueux, au cœur des attentes d’aujourd’hui et de demain.


[1] Le Software as a Service, également connu sous le nom de SaaS, est un service basé sur le cloud où, au lieu de télécharger un logiciel que votre PC de bureau ou votre réseau professionnel peut exécuter et mettre à jour, vous accédez à une application via un navigateur internet.

[2] Le Sommet de l’Elevage a choisi la solution inwink

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