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Quels emplois demain dans l’événementiel ? PARTIE 2

Sébastien Levy Prudent

Sébastien Levy Prudent

Sommaire

PARTIE 2

par Sébastien LEVY PRUDENT

Sébastien Levy Prudent, co-fondateur d’Olecio[1], structure spécialisée sur le champ de l’orientation, de l’emploi et de la formation, est un expert en prospective métier. Il a notamment piloté l’étude de l’Observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’évènement publiée en février 2022 sur les « Dynamiques d’emploi dans les métiers de l’Évènement »[2].

            La première partie de cet article, publié sur ce site le 5 février dernier, soulignait la résilience du secteur événementiel face aux crises et évolutions des deux dernières décennies. Celle à venir renforcera la mutation à l’œuvre des événements et en conséquence des compétences et des métiers à mobiliser pour les organiser.

         Des événements qui évoluent dans leur forme …

            Des événements écoresponsables :

            76 % des professionnels du secteur (enquête OPIIEC décembre 2021[3]) anticipent un renforcement important des dimensions responsable et écologique des événements dans les années à venir, que ce soit dans la conception des espaces, la gestion des flux logistique, la recyclabilité des matériaux, la réemployabilité des matériels. La norme internationale ISO 20121 encadre ainsi les étapes de management et de production responsable d’une activité événementielle. On peut aussi citer dans cette dynamique le label Net Zero Carbon Events ou encore des certifications à des profils d’événement ou des enjeux plus spécifiques (QualiCongrés, marque tourisme et handicap, norme ISO 1400…). Mais la réglementation se structure aussi en la matière et incite les organisateurs à adopter des pratiques écoresponsables. On peut citer la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) qui depuis le 1ᵉʳ janvier 2023 impose par exemple l’utilisation de vaisselle à usage unique.

            Des événements hybrides :

            En 2022, 88 % des acteurs de l’événement professionnel soulignaient que la crise sanitaire avait confirmé la valeur des événements en face à face[4]. Plus de la moitié (57 %) restaient néanmoins convaincus de l’apport du numérique aux événements dans un format hybride, permettant à la fois d’enrichir l’expérience des participants en présentiel, mais aussi d’ouvrir l’événement sous un autre format à des publics ne pouvant y assister en présentiel. Ainsi de nombreux organisateurs intègrent une proposition virtuelle.

Illustration de plateformes pouvant venir en complément de l’événement physique[5]

            Des événements plus expérientiels :

            Les événements de demain s’orientent de plus en plus vers des expériences immersives et personnalisées, un mouvement anticipé par 60 % des professionnels du secteur. L’innovation technologique joue un rôle clé, avec des outils comme l’holographie 3D, la réalité augmentée, ou encore des assistants virtuels (voicebots) pour améliorer l’interaction et l’efficacité des participants. Par exemple, un animateur peut utiliser un objet en hologramme 3D ou contrôler des éléments comme le son avec un geste de la main. Pour les visiteurs, des technologies comme la réalité augmentée permettent d’interagir avec des informations numériques sur des produits, tandis que les voicebots répondent en temps réel aux questions sur l’événement. Cette tendance se manifeste également dans la théâtralisation des événements, qui ne sont plus de simples lieux de rencontre, mais des spectacles à part entière, avec une structure narrative et une mise en scène des contenus pour surprendre, captiver et proposer une expérience inédite. Pour aller plus loin encore et la rendre unique, la personnalisation est enjeu majeur. Grâce à l’analyse des données, les organisateurs peuvent offrir des parcours sur-mesure aux exposants et aux visiteurs, répondant spécifiquement à leurs besoins et attentes.

            Des événements plus ciblés voire de niche :

            Les événements de plus petite envergure, ou micro-événements, gagnent en popularité, un mouvement observé par 45 % des professionnels. Ces formats plus intimes favorisent des interactions de qualité et une expérience participant ciblée. Les organisateurs privilégient des événements courts et exclusifs, souvent sur invitation, pour offrir une expérience personnalisée. Cette tendance est aussi liée à des contraintes budgétaires et à la limitation des déplacements, incitant les événements à se rapprocher des écosystèmes locaux. Parallèlement, les événements communautaires et thématiques se multiplient, répondant à la demande de connexions humaines authentiques. Ainsi, des rencontres autour de passions spécifiques, comme le gaming, le zéro déchet ou l’artisanat local, connaissent un essor.

            Des événements plus inclusifs :

            La question de l’accessibilité comme de la représentation de la diversité sous toutes ses formes est une tendance intersectorielle qui impactera nécessairement à la fois la programmation thématique des événements et la manière de concevoir ces événements.

         … mobilisant demain de nouvelles compétences et de nouveaux métiers

            Le secteur de l’événement professionnel bénéficie d’une réelle diversité de profils de salariés :

            56 % de femmes ;

            47 % de Bac à Bac+3 ;

            41 % de cadres ;

            48 % de salariés de + de 5 ans d’ancienneté soit une réelle capacité à fidéliser les salariés ;

            42 % de moins de 35 ans[6].

            Ceci étant dit, depuis la reprise d’activité post-crise sanitaire, les professionnels déplorent une perte d’attractivité du secteur. 77 % de recrutements de 2022 étaient jugés difficiles (53 % de répondants estimant que c’est notamment faute de candidats). Certes ces tensions ne sont pas spécifiques aux entreprises de l’événementiel, mais elles se sont largement accrues dans un secteur qui ne peinait pas plus que cela à promouvoir ses emplois avant 2020.

            A cette difficulté de recrutement s’ajoute un enjeu important de montée en compétences pour accompagner la mutation des métiers du fait des évolutions qui impactent les événements. Les métiers de l’événementiel devront intégrer de nouvelles compétences pour répondre aux enjeux de demain parmi lesquelles :

            – Des compétences sur le champ de la RSE dans l’ensemble des domaines d’activité :

            Exemple des métiers de la logistique : renforcement des modes de transport durables, optimisation des choix de lieux, optimisation des choix de fournisseurs…

            Exemple dans la conception des événements : utilisation de matériaux recyclables, gestion des déchets…

            – Des compétences numériques :

            Veille technologique, expérimentation et déploiement de solutions numériques, mobilisant notamment l’IA générative.

            Exploitation des données (data) pour personnaliser l’expérience des participants, renforcer le marketing digital, automatiser et enrichir des pans entiers de la relation client.

            Développement de la scénographie digitale.

            – Des compétences en storytelling :

            Intégration dans les métiers de compétence en scénarisation, narration et théâtralisation pour proposer des expériences uniques.

            La polyvalence et l’adaptabilité deviennent alors essentielles pour ces professionnels, qui doivent désormais allier expertise technique, sensibilité écologique et créativité pour répondre aux nouvelles attentes du secteur.

            Mais on observe aussi l’émergence de plusieurs métiers pour accompagner ces transitions de l’événement. On peut citer :

            . Le responsable ou directeur développement durable : il intervient pour favoriser la conception d’événements à faible impact environnemental (expertise, conseil, formation) et déployer des stratégies de compensation carbone.

            . Le directeur de l’expérience client : il coordonne les acteurs pour concevoir et proposer un événement expérientiel et une personnalisation à chaque participant pour maximiser l’engagement et la satisfaction.

            . Le technicien audiovisuel pour le live-streaming : spécialiste de la captation et diffusion en direct, il permet et garantit la qualité des retransmissions lors des événements hybrides.

            . Les data analyst et data scientist : en charge de l’analyse des comportements des participants à travers les données, mais aussi de l’impact des actions déployées, ils apportent des éclairages essentiels pour personnaliser et optimiser l’expérience utilisateur, le retour sur impact de l’événement, la monétisation d’offres additionnelles…

Référentiel des métiers de l’OPIIEC et analyse dynamique des tendances[7]

         En conclusion…

            L’événementiel professionnel se trouve à un tournant majeur, où les mutations engendrées par la crise sanitaire, les défis environnementaux, la révolution numérique et les nouvelles attentes des générations actuelles redéfinissent les contours du secteur. Les entreprises doivent aujourd’hui conjuguer agilité, innovation et responsabilité pour répondre à des enjeux complexes : pérennité de la relation humaine dans un monde digitalisé, gestion des ressources dans un contexte de plus en plus écoresponsable, adoption de nouvelles technologies pour enrichir l’expérience des participants.

            Cela représente un défi majeur en termes de compétences et de gestion des ressources humaines plus largement. Les métiers de demain dans l’événementiel intègreront nécessairement des compétences accrues en IA, en storytelling, en développement durable. Ces transitions imposeront aux entreprises une capacité à rester en veille, à expérimenter et à s’adapter en continu. Cela passera par un travail de formation et de transmission favorisant d’acquisition de compétences stratégiques pour les équipes.

            La question se posera également de réfléchir à comment les acteurs de l’événementiel pourront demain anticiper les bouleversements sociaux et économiques à venir – L’Innovatoire pourrait être une partie de la solution – tout en préservant l’essence même de leur activité : connecter les individus et créer de la valeur à travers des expériences partagées.

            Du côté des entreprises, l’enjeu sera de savoir comment se positionner stratégiquement pour naviguer dans ce monde en mutation, tout en développant la capacité à innover plus encore et à répondre aux attentes des participants de demain.


[1] Cf https://olecio.fr/.

[2] Cf. https://www.opiiec.fr/etudes/135839.

[3] https://www.opiiec.fr/sites/default/files/inline-files/OPIIEC%20-Etude%20Evenement%20-%20Rapport%20complet_0.pdf

[4] https://www.unimev.fr/wp-content/uploads/2024/01/Event-Data-Book-UNIMEV-BD.pdf

[5] https://www.opiiec.fr/sites/default/files/inline-files/OPIIEC%20-Etude%20Evenement%20-%20Rapport%20complet_0.pdf

[6] l’Event Data Book 2023-2024 publié par l’Union Française des Métiers de l’Événement (UNIMEV)

[7] https://www.opiiec.fr/sites/default/files/inline-files/OPIIEC%20-Etude%20Evenement%20-%20Rapport%20complet_0.pdf

À propos de l'auteur

Sébastien Levy Prudent

Sébastien Levy Prudent

Sébastien Levy Prudent est passionné par les questions d\\\\\\\'emploi et de formation. Il est cofondateur d\\\\\\\'Olecio.fr, une plateforme facilitant l\\\\\\\'accès à la formation professionnelle.

Il a également abordé les défis de l\\\\\\\'interopérabilité des données dans le secteur public et privé, proposant des solutions pour améliorer leur utilisation.

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