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RSE : L’ÉVÉNEMENTIEL FACE À SES RESPONSABILITÉS (Partie 2)

Xavier Parenteau

Xavier Parenteau

Sommaire

par Xavier PARENTEAU

Xavier Parenteau a été de 2008 à 2015 directeur du développement durable et de l’amélioration continue du Stade de France. Il est depuis juin 2016 dirigeant d’Ipama ǀ Pour des évènements engagés, entreprise de l’économie sociale et solidaire, au côté de son fondateur Jean-Claude Herry.

Xavier Parenteau © Kbe Studio – Ipama

La première partie de cet article publié sur ce site a commencé à dégager les principales questions relatives à la RSE auxquelles la filière évènementielle se trouve aujourd’hui confrontée. Un premier enjeu a été souligné, à savoir la nécessité de s’informer et de mieux considérer ces impacts. Deux autres enjeux cruciaux sont mis ici en relief.

Enjeu n°2 : se former, comprendre et embarquer son écosystème

4 Offices de Tourisme du Grand-Est ayant suivi un Appui-Conseil RSE Collectif de l’AFDAS accompagné par Ipama en 2024 © Julie Tinetti, Ipama

S’engager est une démarche volontaire qui couvre un vaste champ d’enjeux, au-delà du seul respect de la réglementation. Nombreux sont les acteurs qui « font » sans en avoir conscience ou sans démarche structurée. Petits gestes du quotidien, mutualisations et rationalisations, gestion raisonnée des budgets et des stocks, politique d’égalité salariale ou de lutte contre les discriminations, recours à des prestataires locaux sont autant de bonnes pratiques très courantes chez les acteurs de l’événementiel, notamment associatifs.

Le défi pour les organisateurs d’événements est de :

• Former et informer les équipes (direction, salariés, bénévoles, élus…) pour mieux appréhender la RSE.

• Rassurer en interne et déconstruire la croyance que la RSE « est une usine à gaz » ou qu’elle « forcerait à tout changer ».

• Identifier un ou plusieurs pilotes en interne.

• Structurer une démarche collective déployée par toutes les équipes.

La stratégie RSE doit être envisagée comme une partition, le responsable RSE comme le chef d’orchestre : il fournit aux musiciens les clés pour qu’ils puissent au mieux exploiter leur expertise.

Les premières étapes pour structurer sa démarche sont :

• Identifier ses impacts (positifs et négatifs) sur l’environnement, la société, l’économie.

 • Et à l’inverse déterminer en quoi leurs activités sont impactées par le contexte économique, social et environnemental.

Se poser ces questions est indispensable et permet aux acteurs du secteur de s’interroger plus largement :

• D’un point de vue social ou économique, quels sont les bénéfices des événements ?

• Quels en sont les impacts d’un point de vue environnemental ?

• Est-ce que la balance coût-bénéfice est positive ?

• Peut-on placer environnement, économie et social sur le même plan ? Peut-on tolérer certains impacts négatifs pour en justifier d’autres plus positifs ?

Ces éléments font écho à la double matérialité intronisée par la CSRD : ce qui est important et impactant pour mon événement et mon écosystème. Ils renvoient à l’impossibilité d’un découplage complet entre les gains socio-économiques et leurs conséquences environnementales. Ils poussent à s’interroger sur la manière dont les compétences événementielles et les événements peuvent être mis au service de l’intérêt général.

La RSE est le fruit d’un travail collectif avec toutes les parties prenantes d’un événement : actionnaires, direction et investisseurs, salariés, financeurs (publics ou privés), prestataires et fournisseurs, clients et spectateurs… 

En février 2025, la Ligue de Football Professionnel a publié sa stratégie environnementale en détaillant le protocole de mesure d’impact qui sera utilisé par l’ensemble des clubs professionnels. Cette transparence fait écho à ses engagements récents : structuration d’un programme de formation pour les référents RSE, et évolution de la Licence Club. Elle montre la volonté de l’organisation de franchir de nouvelles étapes dans sa politique RSE, en communiquant de nouvelles informations et en associant largement ses différentes parties prenantes.  

Les organisateurs d’événements peuvent s’appuyer sur des dispositifs pour structurer leurs engagements. Les Opérateurs de compétences (Atlas et Afdas pour la branche événementielle) proposent des outils pour accompagner ou former les acteurs de l’événementiel aux transitions écologiques et solidaires.

Les acteurs de l’événementiel peuvent structurer leur engagement à échelle individuelle ou collective : des Offices de Tourisme dans le Grand-Est, des théâtres en Région PACA ou encore des Ligues Sportives d’Occitanie ont choisi cette option pour assurer la cohérence territoriale de leurs engagements et mutualiser les moyens.

Cette approche collective constitue une innovation systémique : pour chaque secteur d’activité, des têtes de réseau se sont désormais développées, ont recruté sur ces sujets et se sont outillées pour fournir des services, des conseils et accompagner leurs membres. Des formations sont proposées, des groupes de travail permettent d’aborder des problématiques communes, des outils sectoriels, dont certains gratuits, permettent d’estimer ou de calculer plus précisément l’impact des événements (Seeds pour le spectacle vivant, Coach Climat Événement pour le sport) et surtout de proposer une trajectoire de réduction et des pistes d’action.

Enjeu n°3 : se fixer des ambitions à la hauteur des défis contemporains

Maud Sarda, Eva Sadoun et Geneviève Ferone à la Convention des Entreprises pour le Climat, Parcours Nouveaux imaginaires auquel Ipama à participé en 2024  ©Thierry Mesnard

Demain, les événements devront s’inscrire naturellement dans ces logiques organisationnelles et les dépasser en poussant la compréhension des enjeux, en approfondissant le dialogue avec leurs parties prenantes et en intégrant la soutenabilité dans leurs modèles économiques et de gouvernance.

Pour ce faire, quelques étapes clés peuvent être rappelées :

• Définir sa raison d’être, ses valeurs, et l’objet de sa mission en les pensant au regard des limites planétaires et des notions de soutenabilité.

• Analyser ses enjeux dans une logique de double matérialité (impacts de l’organisation sur son environnement et réciproquement).

• Instaurer un dialogue poussé avec ses parties prenantes clés (financeurs, publics, fournisseurs…) pour les associer à la réflexion et aux engagements.

• Définir une stratégie globale de long terme notamment compatible avec l’Accord de Paris.

• Déployer un plan d’action adapté dans une logique d’amélioration continue (Plan, Do, Check, Act).

• Identifier des pilotes stratégiques et opérationnels.

• Mesurer, adapter, corriger.

• Valoriser et communiquer.

Se rapprocher des réseaux et des instances représentatives des différentes filières est indispensable pour partager sa démarche, les éventuelles difficultés rencontrées et mutualiser des solutions pertinentes pour l’écosystème. L’ouverture aux autres acteurs de son secteur et les échanges entre les secteurs événementiels (sport, culture, événements professionnels, tourisme…) sont des clés d’amélioration continue.

Les travaux du Shift Project et les Conventions des Entreprises pour le Climat (CEC) montrent la voie vers l’économie de demain, décarbonée et respectueuse du vivant, orientée vers de nouveaux récits, de nouveaux modes de vie et de consommation. La CEC mêle les expériences, les expertises et incite à revoir les modèles économiques pour les rendre compatibles avec les limites planétaires. Certaines entreprises parviennent à « pivoter » en faisant évoluer leur offre de service totalement ou partiellement, d’autres réfléchissent à de nouvelles modalités d’organisation ou de promotion de leurs activités et événements. Les organisations doivent continuer à évoluer dans cette direction et développer les nouveaux récits qui sauront rendre ces alternatives plus vertueuses et désirables.

L’innovation événementielle passera par des modèles qui systématiquement prendront en compte et optimiseront leurs impacts et leur héritage potentiel (positifs et négatifs).

Demain, l’étape de l’engagement via la RSE sera l’exigence minimale, l’ambition de l’événement contributif, voire régénératif, se projetant déjà : les événements et les acteurs de l’économie sont invités à se réinventer dès à présent pour contribuer à des transitions sociales et environnementales plus justes et plus sobres.

Cette contribution sera complétée très prochainement par une interview passionnante de Jean-Claude Herry fondateur et dirigeant de IPAMA ǀ Pour des évènements engagés sur son itinéraire et son analyse de la situation.

À propos de l'auteur

Xavier Parenteau

Xavier Parenteau

Dirigeant de Ipama

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