Interview de Corinne DENUET

DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA BAULE ÉVENEMENTS | PALAIS DES CONGRÈS

ET DES FESTIVAL ATLANTIA JACQUES CHIRAC

par Bertrand Pulman

Les multiples initiatives impulsées et organisées par  La Baule Évenements, notamment dans le cadre du Palais des congrès et des festivals Atlantia Jacques Chirac, jouent un rôle crucial dans le dynamisme et les retombées de la stratégie événementielle de cette ville. L’innovation, l’orientation en faveur de la durabilité, l’ancrage territorial, sont au cœur de cette approche. Pour nous en parler, et afin d’analyser ses mécanismes et de mesurer ses enjeux, nous avons interrogée Corinne Denuet qui pilote ce dispositif ample et efficace sur ses secrets de fabrication et de réalisation.

Quelle a été votre stratégie en matière d’innovation pour développer la marque « La Baule Événements » ?

Nous avons, en tant que satellite de collectivité, une délégation de service public. Nous devons donc travailler à la traduction opérationnelle des orientations fixées par nos élus et développer de la performance en tant que Société Publique Locale.

En 2020, sous l’impulsion du maire Franck Louvrier qui amorçait une nouvelle mandature en pleine période post Covid, nous avons défini et mis en œuvre une stratégie ambitieuse dont le premier axe était l’innovation.

Le marché du MICE avait connu un temps d’arrêt. Il était donc crucial de le redynamiser par des contenus et des pratiques innovantes. Nous avons décliné cet axe prioritaire autour de deux volets : 1) la création d’évènements fédérateurs à fort rayonnement national et international 2) la recherche d’une personnalisation dans la gestion des évènements professionnels.

Concernant le premier point, il nous fallait simultanément prendre en compte les exigences du marché du tourisme d’affaires, répondre aux attentes des acteurs locaux (hôtellerie, restauration, commerce), et satisfaire le public résident à l’année. Pour cela, nous avons créé un programme d’évènements récurrents couvrant les quatre saisons.

– A la fin de l’hiver, se tient le Rendez-vous des écrivains, coup de projecteur sur l’actualité littéraire, qui regroupe environ 6.000 personnes.

– Au printemps, nous avons créé les Voiles de l’Humour sur 4 jours qui rencontrent un succès croissant.

– En été, nous avons deux évènements majeurs : le Festival du cinéma et de musique de films, et les Dryadestivales, sur la variété, organisées dans notre théâtre de verdure.

– En automne, Think Forward est un forum sur les tendances et les enjeux économiques, avec des débats d’orateurs à forte notoriété, inspirants. Cette manifestation . Cet évènement permet aux dirigeants d’entreprises de développer leur réseau et d’échanger lors de moments de convivialité avec l’ensemble des speakers.

Un autre aspect fortement innovant réside dans la mise en œuvre de nouvelles solutions pour aboutir à une plus grande personnalisation dans la gestion des événements professionnels. Nous avons fait le choix, dès 2015, de fluidifier tous nos process autour de la certification ISO 20121. Ensuite nous avons embarqué nos parties prenantes locales (Office du tourisme, collectivités, agences, parc hôtelier, commerçants, festivals) autour du label Destination Innovante et Durable que nous pilotons. Cette communauté de professionnels permet de partager nos pratiques professionnelles sur de nouvelles solutions en réponse aux attentes des organisateurs toute l’année ou lors de groupes de travail sur des candidatures ou de préparation de congrès ou de conventions d’entreprises.

En 2025, par exemple, tel est le cas pour le double événement d’un grand groupe bancaire qui a réuni plus de 1.600 participants sur 4 jours. Toute la coordination logistique et technique a été assurée par La Baule Événements pour l’ensemble du programme qui se déroulait sur 5 sites, avec des facilités d’accueil apportées par la Ville de La Baule.

En bref, nous prenons en charge toutes les solutions du contenant pour que nos clients puissent se concentrer sur le contenu. Aujourd’hui, il y a une telle concurrence entre les événements lorsqu’il s’agit de sortir de Paris, que le programme doit être absolument pertinent. Donc, nous recherchons une personnalisation permettant aux acteurs locaux que nous animons à l’année, d’être au service de et l’organisateur qui, lui, pourra sublimer complètement son contenu.

Quels ont été les autres axes prioritaires de votre stratégie ?

D’abord, nous privilégions la durabilité. L’évènementiel est par nature dans l’éphémère, mais cela n’empêche pas d’œuvrer pour que chaque évènement laisse un bel héritage. C’est pourquoi nous avons lancé un nouveau dispositif dénommé Etic’Blue.  Il a pour ambition de construire des événements responsables optimisant leur empreinte et porteurs d’un héritage positif durable sur notre environnement et les publics touchés. Il a connu un franc succès au niveau de la filière. Une fois obtenues toutes les certifications, il faut aller plus loin. Aussi, offrons-nous une pré-évaluation carbone, de façon notamment à optimiser les déplacements, puisque nous avons la chance d’avoir un accès TGV. Nous avons noué un partenariat avec le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement qui permet à l’organisateur et au public d’apporter sa contribution via une défiscalisation. Nous avons mis en place une circulation vertueuse des biens et des produits, par exemple en récupérant tous les biodéchets qui sont redistribués en circuit court auprès des maraichers locaux. Nous sommes convaincus qu’en définitive, la responsabilité amplifie la performance.

Ensuite, l’ancrage territorial est une dimension essentielle de nos actions. La Baule est membre du club des plus belles baies du monde. La plage fait 9 kms de long. C’est notre terrain de jeu. La destination est très « secure ». Il s’agit d’une ville arborée et fleurie. Comme elle est très concentrée et que tout se fait à pied, on est dans un format « resort ». Nous bénéficions d’un taux d’équipements sportifs parmi les plus élevés de France. Le parc hôtelier est remarquable : nous avons évidemment le groupe Barrière, fleuron de l’industrie hôtelière française, mais aussi des hôtels de charme qui couvrent tout le spectre des deux à cinq étoiles.

La gastronomie s’inscrit dans le jeu de l’expérience du participant. Nous privatisons la halle du marché au cœur de La Baule avec les producteurs locaux pour des « Welcome party », et chacun repart avec le souvenir d’un partage avec de vraies personnes en face d’eux qui ont produit ce qu’ils dégustent. De même avec les soirées « Alive and cooking » créées en partenariat avec nos restaurants de plage.

La durée moyenne de séjour est importante, entre 2 et 3 jours, ce qui induit des retombées économiques importantes. Les taux de satisfactions sont très élevés : en 2024, 92% des organisateurs sont « très satisfaits » et 8% « satisfaits ».

Avez-vous le sentiment qu’il existe une « french touch » en matière événementielle, et dans l’affirmative comment s’incarne-t-elle à La Baule ?

La spécificité et la qualité françaises ne font aucun doute. La preuve en a été apportée au moment des Jeux Olympiques. Ce fut exceptionnel : une sorte de « tout est possible » même sous la pluie ! Nous avons de quoi être fiers. A mon avis, nous devrions davantage valoriser ce qui s’est passé. La « french touch » dans l’évènementiel, c’est d’abord une créativité extraordinaire. Nous constituons une filière « signature », comme la haute couture.

Comment cela se traduit-il pour nous à la Baule ? Nous avons la chance d’être une ville-jardin au bord de l’océan. La Baule, c’est tout à la fois la mer, le sport, la gastronomie, le cheval, l’art de vivre. Les gens s’y sentent bien. Le territoire est vivant sur le plan économique, puisque nous sommes à côté d’un pôle industriel unique en France lié au bassin portuaire, avec toutes les expertises internationales en construction navale. Nous avons aussi un pôle sur l’aéronautique avec Airbus. Cela légitime l’organisation d’événements sur ces thématiques. De plus, une station balnéaire relève aussi de l’univers des services. Aussi reçoit-on beaucoup d’événements liés au secteur tertiaire. Pour autant, cette vitalité logistique et économique ne suffit pas pour performer. Sur la chaîne de valeur, il ne suffit pas d’avoir l’offre technique, encore faut-il que les rouages organisationnels et les compétences soient bien alignées. Pour nous, il est crucial d’apporter fluidité, interactivité et disponibilité. Au fond, qu’est-ce qui fait la différence ? Ce sont les hommes et les femmes, leur compétence et leur sincérité. C’est la raison pour laquelle nous mettons autant l’accent sur la formation. Nous upgradons les compétences, et nous en intégrons des nouvelles par rapport aux mutations des marchés. Je pense notamment à l’intelligence artificielle et à la data. Je viens moi-même de sortir d’une formation à Polytechnique pour être certifiée dirigeant spécialisé dans la transformation numérique, la data et l’IA. Ainsi, on ne perd personne : notre taux d’absentéisme plafonne à 0,35% en 2024, ce qui est impressionnant. D’une façon générale, l’événementiel est une filière où il règne beaucoup d’enthousiasme. J’attache beaucoup d’importance à ce que nous passions au crible tous les détails dans la production et la mise en œuvre des évènements, jusqu’au parcours du participant et du sponsor. Les détails pour moi font la différence. Cela doit être parfait. C’est ce qui permettra à l’organisateur de fidéliser ses membres.

J’ajoute une dernière chose, qui est que nous avons la chance d’avoir un expert en événements à la tête de notre ville, et un chef d’entreprise à la présidence avec Nicolas Appert. Franck Louvrier maîtrise totalement le sujet. Il sait quelles orientations impulser et les inputs qu’il convient d’apporter. Son profil et son activité contribuent clairement au rayonnement de la ville.

Quels rôles attribuez-vous à la culture et aux industries créatives dans le développement événementiel de La Baule ?

Les activités culturelles font partie intégrante de nos savoirs faire événementiels. En effet, la sociologie bauloise a pour conséquence qu’il y a ici une appétence forte pour la culture. Nous nous efforçons d’être au niveau par rapport aux attentes des spectateurs. Ainsi, nous avons plusieurs dizaines de rendez-vous originaux, des spectacles chaque weekend durant toute l’année, de nombreux festivals. Des artistes et des intellectuels de renom se produisent ici. Par exemple, Fabrice Luchini nous a fait l’honneur de venir l’été dernier alors qu’il ne tourne nulle part ailleurs. En outre, pour promouvoir la culture, nous encourageons les organisateurs à réserver un quota de places de concert ou de théâtre pour leur soirée de gala, puis à faire un dîner derrière. Notre cinéma du centre-ville est très dynamique, avec non seulement des projections mais aussi des avant-premières et des master-class.

Concernant l’industrie créative, nous nous appuyons beaucoup sur ce qui se fait au sein de la région des Pays de la Loire. Beaucoup d’acteurs, d’artistes, de studios graphiques, sont venus s’installer à La Baule, en raison de la qualité de vie et d’inspiration qui règne ici. Nous organisons aussi beaucoup d’expositions éphémères avec des artistes qui viennent en résidence. Et nous ne sommes pas en reste concernant la jeunesse, puisque nous avons à La Baule un lycée international. En outre, notre BTS Tourisme a inscrit l’évènementiel dans son programme pédagogique.

Quels sont vos axes d’améliorations privilégiés et que souhaiteriez-vous pousser dans les années à venir ?

D’abord, la transformation numérique, le développement de la data et de l’IA. Cela devrait permettre d’optimiser des tâches encore très chronophages, et de se consacrer encore davantage à la relation client. Ensuite, la transformation du congressiste en touriste et inversement.

Vidéo La Baule Événements : https://www.youtube.com/watch?v=ZpzDFne8Vf0&list=PLkVTUg-dpFumVuf0uGpOQ_QJFDftTiEP2