par Xavier PARENTEAU

La RSE s’impose comme un enjeu majeur pour le secteur de l’événementiel. Face à l’urgence climatique et aux enjeux sociaux croissants, les acteurs de ce secteur en pleine mutation doivent se réinventer pour concilier succès économique et responsabilité environnementale et sociale. Nous avons demandé à l’un des acteurs principaux et les plus anciens de ce domaine de développer pour L’Innovatoire son analyse des questions relatives à la RSE dans la filière évènementielle. Nul doute que cette mise en perspective sera utile pour tous les acteurs de ce domaine, et en particulier pour les jeunes en formation qui y attachent tant d’importance et qui souhaitent s’orienter vers cette problématique.

Xavier Parenteau a été de 2008 à 2015 directeur du développement durable et de l’amélioration continue du Stade de France. Il est depuis juin 2016 dirigeant d’Ipama ǀ Pour des évènements engagés, entreprise de l’économie sociale et solidaire, au côté de son fondateur Jean-Claude Herry.

En 2010, sous l’impulsion de grands donneurs d’ordre comme le Stade de France ou les Fêtes de Bayonne, les ecocup© voient le jour, les gobelets consignés réutilisables deviennent l’incarnation des actions de « Développement Durable” dans l’événementiel. En 15 ans, les avancées du secteur sont nombreuses mais les défis à relever restent très importants.

L’événementiel professionnel (tourisme d’affaires, les foires et salons) mais aussi sportif, culturel ou touristique sont des secteurs majeurs contributeurs de l’économie française. En 2023, la seule Coupe du monde de rugby a généré 2.4 milliards d’euros de recettes. En 2019, le tourisme d’affaires a également représenté 1,1 million d’emplois directs et indirects. Enfin, selon l’Ademe, le secteur du tourisme en France a émis 97 millions de tonnes équivalent CO2 en 2022. Cela représente l’empreinte carbone annuelle de 10,5 millions de Français.

L’événementiel est aujourd’hui confronté à des défis majeurs : dérèglement climatique, enjeux sociaux croissants… La RSE, autrefois une préoccupation marginale, s’impose désormais comme une nécessité. Ce secteur en pleine mutation doit se réinventer pour concilier succès économique et responsabilité environnementale et sociale.

Néanmoins, les niveaux de compréhension et d’engagement des acteurs de l’événementiel restent hétérogènes. Confrontée à un contexte social, économique, environnemental et politique inédit, le management responsable des acteurs de l’événement apporte des solutions pratiques et innovantes pour donner l’élan nécessaire au secteur afin de relever les défis contemporains.

Enjeu n°1 : s’informer et mieux considérer ses impacts

Inflation, crises sociales et environnementales, baisse des subventions… Les acteurs événementiels doivent plus que jamais mesurer l’ampleur des défis qui leur font face. Les conclusions des travaux du GIEC concernant le changement climatique sont connues : l’ambition doit être de rester sous la limite des 2° de réchauffement (idéalement 1,5°) à horizon 2100.

Les rapports du Shift Project sur la décarbonation de la Culture ou du Sport, tout comme les ambitions de certains Grands Evénements Sportifs Internationaux (à l’image des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024), affichent des lignes directrices claires : il faudrait désormais faire moins, et faire mieux. Le prisme de la sobriété et de l’organisation plus responsable s’impose comme un nouveau filtre pour envisager l’activité événementielle autrement, dans le respect des limites planétaires.

L’événement de “demain” ne peut pas se permettre d’être « hors sol », au risque de se couper de son public, de ses financeurs et des collectivités. La RSE offre l’opportunité de se saisir des sujets essentiels qui rendent crédibles les engagements des acteurs.

Les leviers d’action sont déjà connus : réduire le nombre d’événements et les jauges, recourir à l’économie circulaire et au réemploi, partager des ressources et des lieux, développer la notion de responsabilité territoriale (emploi, inclusion, accessibilité et mobilités), favoriser les publics et prestataires locaux, adopter une offre alimentaire moins carnée, faire évoluer les pratiques de sponsoring et communication…
Quelle que soit la taille ou la nature de l’événement (sportif, culturel, professionnel), ces leviers restent pertinents. Déployés dans le cadre d’une stratégie RSE, ils ouvrent la porte à des mutualisations et à des partages d’expériences entre pairs de différents secteurs.

Le secteur de l’événementiel recèle déjà de nombreuses bonnes pratiques potentiellement réplicables.

          Par exemple :

          . Décarboner les mobilités : l’Aéronef a développé des dispositifs innovants pour inciter au covoiturage, co-piétonnage, co-vélo et aux modes doux ou actifs, les Furtives 2023 a organisé un festival itinérant en plusieurs étapes sur 8 jours entre La Rochelle et Angoulême.

          . Réduire les jauges ou le nombre d’événements : des événements de plein air sont annulés pour protéger la biodiversité, l’Aéronef propose des événements labélisés « Sustain » avec des jauges réduites, une seule scène pour le festival (évitant la concurrence entre plusieurs scènes, donc la multiplication des publics…), le festival Panoramas a réduit ses jauges.

          . Décarboner l’alimentation : We Love Green a opté pour une offre intégralement végétarienne pour son festival.

          . Recourir aux énergies renouvelables et trouver des alternatives aux fossiles (panneaux solaires, raccordement au réseau électrique pour éviter les groupes électrogènes, investissement dans des énergies moins carbonées…) : Paris 2024 a réussi à raccorder tous ses sites au réseau pour éviter les groupes électrogènes.

          . Rénover et isoler les bâtiments : la Ligue Occitanie de Football a investi 20% du montant total des travaux de rénovation et construction d’un nouveau bâtiment pour améliorer ses performances énergétiques, permettant de réduire de 46% la consommation en électricité.

          Pour être efficace, le passage à l’action demande une analyse fine de son contexte, la hiérarchisation des enjeux qui sont propres à chaque événement et le portage de la démarche au quotidien.

Nous verrons dans la seconde partie de ce texte, qui paraîtra prochainement, quels sont les autres grands enjeux de la RSE auxquels la filière évènementielle est confrontée.  Cette contribution sera ensuite complétée par une interview passionnante de Jean-Claude Herry sur son itinéraire et son analyse de la situation.