« Les foires médiévales ont joué un rôle pionnier pour la constitution du marché international des produits, de celui de l’argent et de celui des changes comme pour l’information marchande, pour la création monétaire et pour la mise en place d’un droit commercial international »(1). Quel événement populaire peut, aujourd’hui, revendiquer d’appartenir, depuis plus de 1 000 ans, à l’histoire des échanges commerciaux ?
Pourtant, les Foires souffrent désormais d’une image qui nuit à leur croissance. Durement impactées par la crise sanitaire et déjà bien fragilisées, elles ont à saisir une nouvelle opportunité de reconquête. D’autres événements, notamment dans les salons grand public ou professionnels, sont également concernés par ce besoin de transformation. Cette période de reprise invite à explorer les fondamentaux du marketing pour réinventer cet événement ancestral et l’adapter au contexte de leur zone de chalandise.
Le mot foire reste une valeur sûre dans le verbatim des communicants.
Une génération de consommateurs s’est désintéressée des Foires et le cycle de renouvellement du public s’est enrayé. Pourtant, le mot FOIRE reste une valeur sûre dans le verbatim des communicants, preuve de la force positive de son ADN. En zone rurale, certaines enregistrent encore de belles performances laissant croire que le modèle historique marche. Mais en zone urbaine, l’érosion est réelle.
Un modèle unique de Foire méconnait les attentes spécifiques liées à un contexte territorial qu’il soit social, sociétal ou encore concurrentiel. Là commence et se légitime le process d’un audit marketing personnalisé pour adapter chaque Foire à la réalité de son territoire et bousculer des usages devenus des croyances limitantes.
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Adapter son offre à la réalité et au contexte de sa zone de chalandise
La partie festive, par exemple, s’articule autour de rendez-vous souvent reproduits année après année et certains sont devenus iconiques par atavisme. Les exigences des exposants, rassurés par ces programmes formatés, ont contribué à installer des codes implicites peu propices à l’innovation, particulièrement sur la nature des animations.
Cet écart avec les aspirations du public a contribué à ringardiser l’événement, non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il exprime et les valeurs qu’il véhicule. Les publics ont changé, leurs attentes ont évolué, l’offre culturelle et commerciale s’est densifiée notamment en zone urbaine. Internet a également bouleversé les comportements de consommation et offre, aujourd’hui, la plus grande Foire du monde ouverte 24/24, 7 jours sur 7. On y trouve autant du neuf (Cdiscount…) que de la 2ème main (Vinted…)!
Ces mutations invitent à innover pour redonner le goût des Foires à de nouveaux publics, sans renier l’esprit qui les caractérise et les rend si attractives. Une Foire repose finalement sur deux fondamentaux : le commerce et la convivialité. Ces deux items sont indissociables et forgent leur identité intime depuis leur création. Comment s’adapter aux aspirations du public sur ces deux promesses ?
Une première étape peut consister à réviser sa plateforme de marque, revendiquer ses valeurs et structurer sa promesse pour passer de vendeur de m² à vendeur de relation client. Une deuxième étape doit s’attacher au décalage entre l’offre des exposants et les attentes actuelles des visiteurs.
Adapter son modèle aux attentes contemporaines
Les Foires, par un marketing de l’engagement, peuvent répondre au besoin de confiance du public, plus prégnant que jamais en 2021(2). Une démarche qui soulève trois questions pour replacer le visiteur au cœur d’une stratégie de (re)conquête et de fidélisation :
- Quelle doit être l’offre d’animations et de services pour répondre aux nouveaux usages de consommation ?
- Comment adapter l’offre d’exposants aux nouveaux usages et attentes sociétales en matière de consommation ?
- Comment s’affirmer comme une enseigne synonyme d’innovation et de confiance ?
Améliorer son offre de services et innover dans son programme d’animation.
88% des français utilisent aujourd’hui au moins un canal en ligne pour s’informer au préalable.
S’adapter aux tendances majeures du retail et du digital est un défi à relever par les organisateurs sur les deux responsabilités qu’ils portent très directement dans la satisfaction de leur visitorat :
- celle du parcours client par la qualité du service proposé à chaque étape du parcours « visiteur » : le « j’en rêve, j’y vais, j’y suis, j’en reviens » que connaissent bien les parcs de loisirs,
- celle de l’expérience client qui repose notamment sur le choix des animations, la théâtralisation des espaces et l’animation des exposants.
88% des Français utilisent aujourd’hui au moins un canal en ligne pour s’informer au préalable***. Intégrer le digital dans le parcours client d’un événement éphémère représente un enjeu complexe mais incontournable. Comment, aujourd’hui, accompagner ses visiteurs dans leur visite et selon leurs motivations d’achat ? Permettre des prises de rendez-vous, développer le click and collect, sont des exemples de services interactifs et personnalisés qui sont nécessaires pour conquérir une génération Y ou Z formatée à ces nouveaux standards de consommation.
Instiller du divertissement dans l’expérience d’achat
Entre l’essor du digital et la dynamique marketing du retail, les Foires, faute d’innovation dans leur programme d’animation et de sélection dans leurs exposants, ont perdu leur attractivité. Face au digital, les « retaillers » ont su réinventer une expérience de consommation en travaillant différents sujets : la formation des vendeurs, l’ambiance, l’omnicanal, le sensoriel, le pop-up store éphémère… On parle aujourd’hui de « retailtainement », démarche qui vise à instiller du divertissement dans l’expérience d’achat ! Les Foires, qui ont pourtant été les premières à associer consommation et divertissement, doivent s’inspirer de ces nouvelles tendances.
Construire une offre d’animations demande aujourd’hui d’associer créativité et tactique, marketing et design. Pour séduire et satisfaire de plus nombreux visiteurs, le programme d’animation peut s’orchestrer autour de quatre objectifs :
- Attractivité : un divertissement populaire tout public porte l’affiche. Pour attirer de nouveau un public familial, le mot clef d’un programme renouvelé est le « partage ». Une animation se « partage », en famille ou entre amis.
- Segmentation des publics : à l’heure du one to one, l’offre est à enrichir de façon structurée pour répondre à un large spectre de public en quête d’expériences personnalisées.
- Communication : le programme permet de porter une présence dans les médias et les réseaux sociaux tout au long de l’événement et de relancer l’intérêt sur le deuxième week-end.
- Gestion des flux: le programme permet de s’adapter au trafic journalier. Des animations peuvent ainsi avoir pour seule vocation d’absorber les flux des grosses journées pour préserver la qualité de visite et la satisfaction client.
Au-delà de la tactique, le programme d’animations articulé avec l’aménagement général peut offrir une expérience de consommation réussie pour fidéliser un visitorat. Il traduit aussi un positionnement et se renouvèle régulièrement afin de s’adapter aux évolutions des habitudes de consommation, des aspirations sociétales et du besoin de nouveautés du public.
Bouger les lignes en profondeur pour préserver l’attractivité
Ce n’est pas simple car l’organisateur d’une Foire compose avec deux clients, aux intérêts à la fois convergents et divergents : l’exposant et le visiteur. Sur de nombreux sujets en lien direct avec les exposants, la récurrence de constats négatifs implique de faire bouger les lignes en profondeur.
La conquête et la fidélisation de nouveaux consommateurs impliquent de poser un réel changement de posture à l’encontre des exposants. La sélection, l’accompagnement et l’incubation représente ainsi de réels enjeux à explorer pour les Foires. C’est un préalable pour préserver une attractivité auprès d’un public indispensable à la pérennité de tout événement.
L’événement engagé et éthique représente un formidable levier de transformation
Cette transformation des paradigmes relève d’une équation complexe mais nécessaire pour renouer avec des niveaux de fréquentation à la hauteur des enjeux économiques. Cinq pistes de réflexion pour explorer de nouvelles frontières :
- Faire de l’éthique une promesse et capitaliser sur la confiance. Sacrifier du chiffre d’affaires en refusant une catégorie d’exposants pour assurer la sérénité de ses visiteurs. Un choix incontournable pour une fidélisation durable. Privilégier des exposants dont les vendeurs sont formés aux parcours d’achat du moment n’est pas qu’une nécessité, c’est un véritable engagement. En 2021, selon Cégid Retail, « on entre dans une nouvelle ère où le vendeur devient un ambassadeur de la marque, un animateur de communauté. ». Faire de l’éthique une promesse revient à capitaliser sur l’atout n°1 d’une Foire : l’humain. Pour 75% des Français, c’est l’élément qui manque dans l’expérience en ligne.
- Incuber de nouveaux exposants et notamment des entreprises locales. Positionner la Foire comme un média et la commercialiser comme telle. Une Foire offre un taux de couverture élevé sur sa zone de chalandise. Elle peut s’inscrire en concurrence directe avec l’affichage, la presse et la radio. Avec un discours marketé, nourri d’une connaissance affutée du visitorat, les Foires peuvent s’inscrire comme un média local puissant et intéresser de nouveaux exposants. Le local porte ainsi un réel un potentiel en m² commercialisés. Il permet également de mobiliser un visitorat demandeur de proximité. Identifier et saisir ces opportunités offre l’occasion d’engager un renouvèlement stratégique du portefeuille d’exposants. Pour remplacer ceux qui vont ou doivent disparaître, il faut oser conquérir, incuber, inspirer.
- Accompagner les exposants historiques dans leur mutation. Cultiver et partager une vision holistique (3) des pratiques de consommation du public pour mieux y répondre. Un enjeu complexe à mettre en œuvre. Cela concerne par exemple la restauration souvent jugée chère et déceptive. Le public est familier à de nouveaux usages à l’exemple des food-halls comme le Felicità(4) à Paris .au sein de la station F. Ces espaces modernes offrent un décor, des ambiances et des prix attractifs. D’autres tendances se dessinent à l’exemple de la demande croissante des locavores. Dans un autre registre, l’aménagement des stands, tout comme leur implantation, demande un travail concerté et disruptif pour réenchanter l’expérience client avec une ambiance actualisée et sans cesse renouvelée.
- Répondre aux attentes sociétales et vertueuses de circuits courts. Le nouveau monde c’est le local, notamment dans l’alimentaire. Dans le monde agricole, les formats de vente en direct se multiplient : vente à la ferme, magasins collectifs, marchés paysans, AMAP. Le principe du « directement du producteur au consommateur» rencontre un succès renforcé par la crise sanitaire et auquel les Foires doivent s’intéresser. Le nouveau monde c’est aussi l’économie solidaire et le marché de la seconde main qui répondent à une attente sociétale forte pour une consommation plus durable et responsable.
- S’inscrire dans une démarche durable dans laquelle l’événement en lui-même s’attache à être vertueux. Travailler, conjointement avec ses exposants à rendre l’événement éco-responsable à travers une démarche adaptée est un engagement conjoint sur de bonnes pratiques.
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Répondre aux aspirations sociétales de ses visiteurs et contribuer aux enjeux économiques de son territoire, c’est revenir à l’ADN fondateur des Foires. Transformer une Foire ou un événement quel qu’il soit, sans renier ses fondamentaux, exige de réinventer sa relation à ses exposants, à ses visiteurs, à son environnement territorial et social. Cela implique également de revendiquer et assumer des valeurs, d’identifier les nouveaux usages de consommation du public et d’innover en permanence pour y répondre.
Ces enjeux représentent un défi passionnant et placent la fonction marketing au cœur des stratégies de relance. Cette démarche implique de relever conjointement un autre défi majeur mais incontournable à la parfaite connaissance de ses visiteurs : la DATA. On en reparle…
(1) cf livre « Genèse des marchés »,
(2) cf dernière étude « Trust Barometer » d’Edelman
(3) (enquête Accenture Strategy).
(4) Paris, dans l’incubateur de start-up Station F
Zone de chalandise: La zone de chalandise d’un point de vente est la zone habituelle ou prévisionnelle (en cas d’ouverture) de provenance de l’essentiel des clients de ce point de vente. Le contour de cette zone est influencé par les distances, les temps d’accès, l’attractivité du point de vente et sa concurrence.
Plateforme de marque: La plateforme de marque est normalement un document de synthèse permettant d’exprimer et de formaliser l’identité de marque. Par extension, la notion de plateforme de marque peut également désigner l’ensemble des éléments qui la compose.
Vision holistique: adopter une vision holistique revient à prendre en compte l’environnement dans sa globalité à défaut de s’intéresser séparément à chacune de ses composantes. « Le marketing holistique consiste à élaborer et mettre en œuvre des programmes, des processus, des actions marketing à large spectre et reliés entre eux. Le marketing holistique est relationnel, intégré, diffusé en interne, orienté vers la performance et socialement responsable. » (Définition par Philip Kotler).