Un lieu, une mise en scène, différents acteurs, de la documentation… autant d’éléments qui pourraient être utilisés pour comparer l’objet salon à une pièce de théâtre. Au-delà de similitudes esthétiques, ne pourrait-on pas aussi comparer les missions de ces deux événements ? Après tout, théâtre et salons n’offrent-ils pas tous deux une façon de voir le monde ?
Pousser à la réflexion
Face à la concurrence internationale et à l’évolution rapide des dynamiques de communautés et des usages sociétaux, le modèle du salon est obligé de se réinventer pour survivre. Il doit nous offrir un moment de contemplation et de confrontation aux réalités du monde qui marque nos esprits de manière indélébile. Plus qu’un simple moment éphémère de regroupement et d’interactions entre visiteurs et exposants, le salon doit devenir spectaculaire.
Il doit nous forcer à questionner l’altérité, à dépasser nos préjugés et nos peurs afin d’envisager la transformation de nos entreprises et de notre société. En ce sens, tel le théâtre à son origine, le salon devient quasi cathartique. Il nous offre la possibilité de se libérer de nos préjugés et ‘repenser notre pensée’. En poussant visiteurs et exposants à réfléchir aux grands défis de demain et en les incitant à se questionner sur leurs actions et leurs avenirs, le salon a une dimension libératrice.
En devenant le Paris Motion festival en 2020, par exemple, l’ancien salon de l’Automobile devrait devenir une véritable plateforme de confrontation permettant à chacun de se saisir de nouvelles connaissances et de se libérer de ses peurs pour avancer et mieux faire face aux défis de demain. Ainsi, plus qu’un simple moment de rencontre, le salon se positionne comme une sorte de manifestation critique engagée pour l’avenir. Tel que le fait le théâtre de l’absurde par exemple, le salon nous provoque. Il nous pousse dans nos retranchements, et nous invite à prendre du recul pour mieux comprendre le monde et imaginer l’avenir. Le Paris Motion festival 2020, devrait donc, par le biais de contenus inspirants, prospectifs et transformationnels, nous pousser à faire à réfléchir et in fine à innover pour faire le pont entre hier, aujourd’hui et demain.
Une prise de position
Bien que le salon se soit longtemps mis en avant comme une entité neutre de rencontre entre visiteurs et exposants d’un secteur professionnel, en vue des défis environnementaux, politiques et sociétaux auxquels nous faisons face, le salon a de plus en plus tendance à se positionner.
La survie de ce modèle événementiel requiert aujourd’hui une ligne éditoriale forte. Le salon Autonomy, par exemple, invite ses acteurs à aborder des transformations radicales dans le domaine de la mobilité. Plus qu’un simple événement organisé autour de six grandes thématiques, Autonomy se positionne en tant que prescripteur des tendances de demain. Son crédo ? Offrir la « big picture » de la mobilité urbaine. Ainsi, du programme, aux acteurs, aux formats, chaque détail du salon est pensé pour faire émerger la voix d’Autonomy. Le salon devient un garde-fou contre la pollution, pour l’électrification, les véhicules autonomes, la connectivité et la mobilité partagée. Il nous empêche de sombrer et nous pousse à repenser et à protéger notre avenir.
Ce type d’appel à la réflexion sur des sujets de grande envergure résonne clairement avec des grandes interrogations qui peuvent aussi être abordées sur scène. La pièce Le Rouge de John Logan, par exemple, nous invite à questionner le sens de l’art face aux pressions mercantiles et à l’obsolescence artistique. Comme Autonomy, Le Rouge met en scène une vision. Cette pièce nous pousse à réagir et nous donne envie d’agir. Au salon comme au théâtre, le programme est pensé, le contenu est réfléchi, le public est invité et les acteurs sont sélectionnés avec soin, le tout pour incarner une vision et transmettre un message fort. Ainsi, en prenant position, théâtre et salon influencent notre vision et nos futures actions.
Impacter le public dans la durée
Le salon et le théâtre ont aussi la chance de pouvoir impacter une communauté élargie. Dans les deux cas, le rayonnement du message véhiculé dépasse les murs de l’événement. Lorsque l’on sort d’une pièce ou d’un salon, on en parle. On en parle avec des personnes qui étaient présentes mais on en parle aussi avec des personnes qui n’y étaient pas. Des échanges sont suscités. Des nouvelles idées et réflexions voient le jour. De bouche à oreille, l’envergue d’un simple moment se démultiplie.
En couplant habilement physique et digital, le salon a peut-être su prolonger et intensifier son espérance de vie au-delà de celle du théâtre. Plus que de marquer les esprits, le salon a notamment su fédérer et créer de véritables communautés. C’est le cas par exemple d’ESC cardio qui a créé une content place permettant de pousser et d’éditorialiser du contenu en continu. Dès lors, leur communauté globale de cardiologues est donc animée au-delà du moment ponctuel de rassemblement physique. D’autres salons tels qu’SITL se sont dotés de plateformes de rencontres additionnelles permettant de faciliter les échanges et relations entre parties prenantes au-delà des trois jours du salon. Enfin, certains salons extrêmement précurseurs tels que Première Vision vont même jusqu’à imaginer une marketplace digitale. Cette dernière permet non seulement de diffuser du contenu ciblé à ses acteurs mais aussi de créer un autre point de contact central et complémentaire au moment physique du salon.
Ainsi, le salon d’aujourd’hui semble se décloisonner et multiplier les points de contact avec ses acteurs. Ses formats s’hybrident. Plus qu’un moment théâtral ponctuel le salon devient un média engagé. Porte-parole prescripteur d’un secteur, il fédère une communauté et s’inscrit dans la durée. En ce sens, le salon média semble avoir pris une longueur d’avance sur le théâtre.