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L’événement digital, l’allié incontournable de l’événement physique ?

Florian Courgenouil

Florian Courgenouil

Head of Conferences & Exhibitions chez Eventmaker

Sommaire

L’équipe de L’Innovatoire a rencontré pour vous Florian Courgenouil, Head of Conferences & Exhibitions chez Eventmaker chez Eventmaker. Il nous parle ici des évolutions et des enjeux post-crise d’Eventmaker. Mais aussi de sa vision de la filière événementielle de demain, de ses évolutions en termes de demande et de formats, ainsi que du réenchentement de l’expérience client.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Florian Courgenouil, je suis actuellement Head of Conferences & Exhibitions chez Eventmaker, plateforme de gestion d’événements. J’anime l’équipe dont la mission est de développer notre présence et notre offre auprès des organisateurs de salons et de congrès et de construire avec eux les meilleurs parcours en ligne et onsite pour leurs participants.

J’évolue dans la filière événementielle depuis 15 ans maintenant. D’abord côté organisateur pendant 8 ans chez Reed Expositions, où j’ai occupé différentes fonctions marketing sur des salons BtoB et en transverse dans le groupe, puis côté prestataires en tant que directeur marketing et commercial chez Goomeo, un éditeur d’applications mobiles pour les événements, avant de rejoindre donc Eventmaker début 2021.    

Pouvez-vous nous parler des évolutions et de la vision post-crise d’Eventmaker ? A la fois pour 2022, mais également pour les années futures.

Très tôt au début de la crise sanitaire, nous avons anticipé les besoins du marché et ajouté à notre offre la possibilité d’organiser des événements en distanciel. Notre croissance a alors surtout été tirée par l’événement d’entreprise et par les agences événementielles avec qui nous avons beaucoup travaillé à ce moment-là. Pourquoi me direz-vous ? Parce que le corporate était plus apte à adopter rapidement les formats distanciels, là où du côté des salons nous avons plutôt assisté à un quasi coup d’arrêt : un basculement sur des expériences en ligne pour favoriser la mise en relation était globalement beaucoup plus long à repenser. La courbe de maturation des salons face à la digitalisation des événements a été plus lente.

2022 aura clairement été l’année du retour au physique débridé pour la plus grande joie de nous retrouver en chair et en os. Mais nous sommes clairement aujourd’hui sur un marché qui est encore très peu lisible, alors que l’on pourrait penser que tout est revenu à la normale. Il y a encore beaucoup d’interrogations sur la suite, surtout dans un contexte global difficile : personne ne saurait dire aujourd’hui comment tout cela va évoluer mais je suis persuadé que la mutation de notre industrie est toujours en cours.      

On le voit bien dans l’event tech : à l’international notamment, nous avons vu beaucoup de boîtes qui ont eu des croissances de folie pendant deux ans, et qui depuis quelques mois ont licencié une bonne partie de leurs effectifs car ils n’avaient pas l’expertise de l’événement physique… Ce qui n’est pas le cas d’Eventmaker dont l’événement physique, est l’expertise historique.

Par ailleurs, c’est d’un point de vue marketing que les événements ont connu une incroyable évolution en remontant dans la chaîne de valeur stratégique : ils sont de moins en moins pensés comme des moments isolés mais plutôt comme des moments faisant partie d’une stratégie événementielle inscrite dans la durée. Pour permettre de créer du lien dans un marché ou une communauté, il faut dorénavant se projeter dans une logique de multi-événements : un grand événement en physique comme point d’orgue et d’autres, plus petits, comme relais dans l’année. Ces moments relais vont être beaucoup portés par le digital, surtout dans un contexte où les contraintes budgétaires, environnementales voire géopolitiques rendent plus complexes l’organisation et la participation à de multiples événements physiques.

Bref, l’événement fait partie de la stratégie marketing des entreprises de manière plus forte encore, mais cela a eu pour effet logique de le remettre en concurrence avec d’autres canaux marketing d’acquisition. Et c’est là l’enjeu principal pour l’événement dans les mois et les années à venir : prouver de manière plus précise, presque scientifique – nous en reparlerons avec la data – sa capacité à répondre aux objectifs des entreprises : générer du ROI.

Quelques exemples d’apprentissages que vous avez pu faire pendant cette période ?

Dans la continuité de ce que je disais précédemment, nous avons acquis beaucoup d’expérience en termes d’approche commerciale. Peut-être même plus que pendant les années qui ont précédé la crise.

Il y a eu différentes phases d’apprentissages. Lorsque la crise sanitaire est arrivée violemment, nous avons très vite réagi en créant notre offre d’événement live en distanciel et nous sommes rentrés dans une réelle période de collaboration avec nos clients, car tout ceci était nouveau pour eux, mais aussi pour nous. Nous sommes donc vraiment montés en compétences ensemble dans l’organisation de leurs événements en ligne. Très vite, nous avons été identifiés comme experts en la matière et orienter nos clients vers les meilleures pratiques.      

A ce moment-là, pour les organisateurs, notre rôle s’est presque rapproché de celui d’une agence. Cela nous a permis d’être beaucoup plus encore dans une démarche de proposition de valeur et pas uniquement de prestations technologique et humaine.    

D’un point de vue produit, c’est à peu près la même chose. Nous souhaitons réellement mettre en avant une cohérence de l’expérience client et, à travers cela, simplifier cette dernière au maximum pour nos clients. Notre mapping produit est travaillé dans cet objectif de simplification, afin de favoriser le parcours et l’expérience de l’organisateur-utilisateur sur la plateforme et de tous les participants derrière. Il s’agit aujourd’hui d’un de nos défis !    

Autre sujet capital : la data qui concentre une grande partie de notre investissement produit. Notre objectif est de mettre en cohérence toute cette donnée, de savoir comment la présenter, de la restituer à l’organisateur pour que cela puisse lui servir d’outil d’analyse, en temps réel et a posteriori. Mais également d’un outil de vente auprès des exposants pour l’année d’après, pour mieux promouvoir un événement édition par édition, ou encore pour mieux s’adresser à sa communauté. Tout ce travail sur l’identification des centres d’intérêts des clients en fonction des usages permet une meilleure segmentation dans nos communications ou encore dans les contenus qui sont poussés à tel ou tel participants ou à tel ou tel exposants.

Par rapport à tout ce que tu viens de me dire, est-ce que l’on peut parler d’une évolution dans la demande ? Que ce soit en termes de formats, d’approche différente du retour en physique, d’une nouvelle utilisation des événements hybrides … ?

Bien évidemment que la demande client a évolué depuis ces deux dernières années et nous avons déjà assisté à deux phases : le tout digital en 2021, puis le tout physique en 2022          

Un retour du physique presque trop radical même, car il faut aussi s’en méfier. Les retrouvailles font plaisir à tout le monde et nous sommes tous forcément très heureux de nous retrouver. Mais c’est cette joie partagée par tous qui va doper presque de manière factice les notes de satisfactions et les NPS (Net Promoter Score) des événements. Une fois que cet effet retombera – probablement très bientôt maintenant qu’une année d’événements physiques s’achève – nous risquons d’avoir un contre-coup car les enjeux business vont reprendre le dessus, nos publics et clients vont être en demande de résultats et, comme je le disais précédemment, le ROI va vite revenir au centre des enjeux. Il serait donc dangereux de baser nos propositions de valeur uniquement sur la rencontre physique pour elle-même.

Mais je suis convaincu que nous allons entrer dans une troisième phase dès 2023, une fois que cette année de transition par la reprise du physique sera passée. Nous allons retrouver des leviers d’hybridation, dorénavant plus matures et nous allons entrer dans l’ère de l’alternance des formats au service de l’expérience de nos clients et des participants.      

Pour un réenchantement de l’expérience client

Je pense en fait que la présence de ces nouveaux formats est à la fois géniale et nécessaire, car nous en avions besoin pour améliorer nos événements. En tout cas, pour être moins dans le copier-coller d’anciennes éditions et pour se re-questionner sur la valeur que cela peut nous apporter.

Avant la crise, nous étions dans un monde où nous envisagions les éditions d’un événement les unes après les autres. Et puis, une fois ce dernier terminé, on coupait presque la communication avec les participants. Sur les salons c’était assez criant parce que l’on se disait « à l’année prochaine ». Mais c’est aujourd’hui interdit de dire cela à sa communauté, à son marché ou à ses participants ! L’objectif n’est plus d’essayer de re-recruter d’anciens participants trois mois avant un événement et de renouer la communication avec un public avec lequel on aurait coupé les ponts un an auparavant.

Les nouveaux formats permettent donc cette continuité de la communication, la fidélisation et l’animation de communauté. Cela permet aussi d’être plus efficace et de rendre l’édition physique de l’événement beaucoup plus logique, probablement plus incontournable encore.     

Quant à l’expérience client, nous avons encore du travail pour l’améliorer. J’en ai d’ailleurs fait l’expérience dernièrement dans un grand salon, qui regroupe beaucoup de professionnels de l’événementiel Européen, que je ne citerai pas, sur lequel nous avons exposé. J’ai réellement été déçu par l’expérience proposée aux exposants. Je connaissais déjà ce salon, pour y avoir déjà exposé dans le passé et cette année j’ai été incapable de dire si j’étais en 2019 ou en 2022. Ça m’a clairement perturbé ! Je me suis dit « Mince on a appris pleins de choses et là elles n’ont pas été mises en œuvre ! ». Il fallait toujours se connecter à 2 ou 3 portails différents pour renseigner nos informations exposant, pour scanner un badge… Ce n’était pas agrégé mais plutôt fragmenté et le parcours expérientiel n’était pas encore là.

Dernière question, qui devient un peu une tradition chez nous : quelle est votre vision de l’événement de demain ?

Je parlais des changements qui sont en cours et qui vont durer, et je pense vraiment que cette période transitoire va être longue. Le but du jeu c’est qu’elle soit la moins fastidieuse et violente possible, après deux années pénibles pour beaucoup d’acteurs de la filière.

Encore une fois, il faut collectivement savoir mettre en œuvre toutes les leçons que nous avons apprises ces dernières années. Les changements de formats, cette nouvelle stratégie multi-événements et multi-formats, renforcer la proposition de valeur par la qualité de l’expérience… tout cela est en mutation.

Des crises nous allons en voir d’autres !

Nous sommes malheureusement dans un monde qui est exposé à des crises. Le mot résilience est devenu un peu tarte à la crème, mais il faut absolument que nous en faisions preuve, ou du moins que nous soyons flexibles dans l’approche de nos métiers. Et inventifs.      .                

Il faut également que les enjeux de développement durable soient mis tout en haut de nos réflexions. Il y a beaucoup d’acteurs, UNIMEV en premier, qui portent ces sujets – là mais ils sont souvent trop cosmétiques dans leur mise en action aujourd’hui. Nous sommes dans une industrie qui est polluante, une industrie éphémère. Il faut juste que l’on soit d’accord sur ce constat là et que l’on ouvre les yeux, car nous n’avons pas beaucoup de temps pour faire évoluer notre filière et les autres.

Il y a des solutions qui existent, mais il faut maintenant que toute la filière adopte presque radicalement de nouveaux comportements. Même s’il s’agit d’un sujet de société à part entière, la filière événementielle se doit de donner l’exemple.

À propos de l'auteur

Florian Courgenouil

Florian Courgenouil

Head of Conferences & Exhibitions chez Eventmaker

Florian Courgenouil évolue dans l'industrie événementielle depuis plus de 15 ans. Entre 2007 et 2015, il a occupé différentes fonctions marketing chez Reed Expositions France (désormais RX France) au sein d'équipes salons puis en transverse dans le groupe. En 2015, il rejoint le monde des prestataires de l'événement en devenant Directeur marketing et commercial de Goomeo qui équipe les plus grands salons et congrès de ses solutions mobiles. Début 2021, il rejoint Eventmaker, plateforme de gestion d'événements fondée en 2009, où il dirige la division Conferences & Exhibitions. Florian est passionné par l'évolution de notre industrie et aime à essayer d'en saisir et anticiper les mutations en cours et à venir.

 

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