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6 questions à Alexandre de Betak

Alexandre de Betak

Alexandre de Betak

Scénographe

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Nous avons rencontré le célèbre scénographe, producteur et set designer et lui avons posé quelques questions sur sa vision de l’objet Salon et l’importance de l’esthétique dans l’organisation événementielle. Comment se réinventer et faire de chaque défilé un événement unique ? Mais aussi, comment Alexandre de Betak définit la notion de beau.

Selon vous, quelle différence existe-il-entre le salon et le délié comment événement ?

AdB : Ce que l’on fait, c’est le contraire du Salon. Un défilé, c’est une marque, on crée des moments qui regroupent différents clients et plusieurs designers. Le Salon est, de son côté, hyper spécifique. À titre d’exemple, je me rends à Maison & Objet, ou encore dans des Salons de robotique ou de produits industriels pour rechercher des inspirations, des ressources, pour pouvoir trouver des fournisseurs. En ce sens, le Salon n’est qu’un outil, pur et simple, alors que le défilé est devenu un outil de communication, il s’agit de véhiculer la spécificité de la saison.

Comment fait-on afin de se réinventer en permanence ?

Il n’y a pas de recette miracle, on essaie de ne pas être routinier. Finalement, un fashion show reste des filles qui défilent sur un podium, c’est un exercice extrêmement répétitif. On essaie de constamment garder l’esprit curieux, de ne jamais être blasé. Je suis sûr qu’on peut toujours s’émerveiller, être sensible à de nouveaux angles et continuer de réinventer l’approche du sujet ainsi que la manière d’interpréter une esthétique. C’est à nous de trouver à chaque fois une particularité à mettre en avant, mais il s’agit surtout de trouver un juste milieu, l’objectif n’est pas toujours d’être dans la création, dans la révolution.

« Ce que l’on propose n’est pas simplement un moment isolé, mais un moment qui, dans l’histoire d’une marque, s’inscrit aussi dans sa durée. »

Comment réussissez-vous à réaliser ce compromis entre le fait de créer tout en sachant conserver l’esprit de la marque ?

Je n’aime pas les compromis. On aide à créer un univers à la fois séduisant et mémorable, mais on n’invente pas n’importe quoi, il y a un cahier des charges, il faut que ce soit justifiable. Une des particularités est, à la fois, qu’on s’assure de se renouveler tout en restant dans la marque. Ce que l’on propose n’est pas simplement un moment isolé, mais un moment qui, dans l’histoire d’une marque, s’inscrit aussi dans sa durée.

Quels sont aujourd’hui les enjeux dans le milieu de l’événement de la mode et du moment particulier du défilé ?

Aujourd’hui le fashion show live vit une révolution qui réside dans son instantanéité. Nous devons désormais poser la question de savoir si le défilé a encore un sens, il est méritoire de le revoir complètement, d’être capable de le faire. La périodicité doit pouvoir être revisitée, pas nécessairement à l’échelle du métier mais au cas par cas. En effet, le défilé est devenu plus qu’un outil pratique, c’est un événement qui implique un effort immense de créativité et de création car il est communiqué auprès du grand public. C’est « l’instagrammabilité » que l’on recherche, on souhaite plus faire sensation sur le digital que de donner une expérience aux gens. D’une certaine manière, la technologie fait que l’on n’a plus besoin d’être live, donc c’est précisément le public live qui va changer. Finalement, c’est l’émotionnel qui perpétuera le moment, continuera à faire rêver. L’exclusivité en live avec interdiction de prendre des photos, déroutiniser, la surprise aussi, c’est ce qui permettra de toucher ce que l’on ne peut pas toucher de manière digitale.

Et les salons ?

Au final, les Salons sont tous les mêmes, c’est Villepinte. À mon sens, il faut qu’il y ait des surprises, il faudrait des outils personnalisés, aujourd’hui le digital n’est pas encore entré dans le Salon. Demain, en arrivant dans le Salon, il faudrait être guidé, avoir un plan qui se base sur soi, avec un filtrage personnalisé, au même titre qu’Amazon ou YouTube. Le problème des Salons est lié à la sélection, c’est trop grand, il y en a trop, il y a du très bon et du très mauvais. On y découvre des choses très bien, mais sur la proportion de l’ensemble est un minuscule pourcentage. Il faut aider les gens à découvrir des choses, lorsque je visite un Salon je veux à la fois trouver ce que je recherche et découvrir des choses auxquelles je n’avais pas pensé.

Pour revenir au sujet de l’esthétique et du beau, comment les définiriez-vous ?

Le beau ne veut rien dire. Pour schématiser, je dirais que le monde de la mode contient plus de gens qui ont une sensibilité au bon goût et à l’esthétisme que dans l’industrie. Au-delà de l’esthétisme, une partie de la réflexion pourrait s’appliquer à la manière de penser aussi. Dans la mode, on dépense beaucoup de temps et d’argent dans des choses qui sont considérées comme futiles par beaucoup de personnes dans d’autres secteurs d’industrie, finalement cela reste une question de perspective.

À propos de l'auteur

Alexandre de Betak

Alexandre de Betak

Scénographe

À l’aube de ses 50 ans, le scénographe, producteur et set designer est une référence mondiale en matière de défilés. Célèbre pour ses décors d’exception, mais aussi ses présentations, ses expositions muséales et ses fêtes légendaires, ses créations les plus connues sont notamment la montagne de fleurs pour Dior dans la Cour Carrée du Louvre (2015), le décor intergalactique de John Galliano pour l’hiver (2009), le premier show Victoria’s Secret et tous ceux qui suivront, la cité interdite de Pékin pour le joaillier Tiffany… Ses univers sont sans limites et en constante réinvention, il est aujourd’hui le maître à penser d’une nouvelle génération de directeurs artistiques en quête de cette magie émotionnelle qui transformera un événement marketing en un moment exceptionnel.

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