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La Joconde : reflet poétique d’une stratégie événementielle

Aurelle Atangana

Aurelle Atangana

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A première vue, rien ne prédestine le tableau le plus célèbre au monde à être comparé à cet objet qu’est le Salon. En effet, ce chef-d’œuvre, qui ne termine pas de dévoiler ses secrets, est ancré dans la maîtrise d’un art particulier : celui de la peinture. Et pourtant, derrière ce sourire énigmatique et ces yeux envoutants, la Joconde décèle les clés d’une stratégie événementielle réussie tant sur le plan expérientiel qu’innovateur.

Uportrait saisissant vecteur de puissance transformationnelle

Suspendue derrière une verrière dans la Salle des États, la voilà, majestueuse et impénétrable. Tous les yeux sont rivés sur elle. Des flashs de caméras se déclenchent et des files d’attentes se rallongent, au plus grand bonheur du Musée du Louvre. Que l’on soit séduit ou non par son charme inégal, force est de constater que la Mona Lisa exerce un pouvoir d’attraction incontestable auprès de ses visiteurs. D’ailleurs, les admirateurs et les curieux ne sont pas là par hasard. Pour la plupart d’entre eux, ils se sont déplacés exclusivement pour confronter leurs attentes idéalistes à la réalité de ce tableau. 

Lorsque le regard se croise enfin avec celle la Joconde, cette rencontre devient alors personnelle. Les frontières de l’interprétation s’ouvrent et les limites de l’imagination semblent s’évaporer. « Elle me sourit » pensent certains, « non elle a l’air pensive avec une touche de tristesse » argumentent d’autres. Il arrive que des visiteurs concluent cette rencontre en ayant une seule envie : vouloir assouvir leur soif d’informations autour du récit mythique qu’est cette toile. Tantôt des guides culturels, tantôt les visiteurs eux-mêmes initient des discussions autour de l’identité de la Mona Lisa : Qui était Lisa Gherardini ? Ce visage serait-il finalement celui de la mère du peintre ? Ou serait-il plutôt celui d’un amant secret ? Ces questions peuvent même emporter l’observateur vers des questionnements plus philosophiques comme le fait que cette peinture soit une manifestation visible d’une inspiration non visible. Ce qui est sûr est que d’un point de vue expérientiel, le visiteur vit une transformation intérieure qui diffère en fonction des sensibilités de chacun. En d’autres termes, il y a un avant, pendant et après La Joconde.

« Quel que soit le thème du salon, celui-ci a pour objectif de rassembler des individus pour déclencher des prises de conscience autour de sujets variés et à tisser de nouveaux liens entre différentes parties prenantes. »

La stratégie événementielle s’inscrit dans une démarche similaire. Quel que soit le thème du Salon, celui-ci a pour objectif de rassembler des individus pour déclencher des prises de conscience autour de sujets variés et à tisser de nouveaux liens entre différentes parties prenantes. Seulement, la mission du Salon ne s’arrête pas là, son ambition va bien plus loin : dépasser la dimension consumériste de l’événement pour opérer une transition dans les manières de réfléchir, d’agir et de construire le futur. Et si à cet échelon de la stratégie, ces objectifs prennent une dimension globale, l’expérience des visiteurs et des exposants se vit à l’échelle individuelle. Cela signifie que le visiteur ressort du Salon changé, semblable à celui ou celle qui vient de contempler la Joconde. Ainsi, tout l’enjeu pour les professionnels du secteur consiste aujourd’hui à miser sur une expérience visiteur personnalisée, propre à chacun. Les nouvelles technologies répondent en partie à cette stratégie mais pas que : au-delà de l’aspect expérientiel qu’apportent ces outils (comme la réalité virtuelle), il ne faudrait surtout pas oublier de donner matière à réflexion aux visiteurs en abordant des sujets plus profonds, complexes voire controversés.

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Comparer un salon à la musique n’a rien d’évident au premier abord. En effet, le salon est temporaire et périodique tandis que la musique, intemporelle, traverse le temps et est aujourd’hui accessible par tous, sans barrière d’espace ou de temps grâce à internet. Pourtant, la musique et le salon sont similaires sur bien des points. En effet, ils fédèrent une communauté et permettent une immersion dans un univers. Salon et musique sont également à la fois un vecteur d’émotions et d’engagement ainsi qu’un moyen de mise en partage.

Un tableau qui bouleverse les traditions artistiques

Si la Mona Lisa est considérée comme étant la plus célèbre des Italiennes, cela est dû au chamboulement artistique que cette œuvre a pu susciter durant la Renaissance. En effet, deux facteurs permettent d’expliquer l’originalité du tableau. Dans un premier temps, la position du modèle est singulière : c’est la première fois qu’un sujet est peint de trois quarts et à mi-corps en forme pyramidale, sans que les mains ou les bras ne soient écourtés par le cadre. Deuxièmement, la technique du sfumato utilisée par de Vinci représente une innovation majeure dans l’art de la peinture. Traduit par « fumée » en français, cette technique constitue à déposer des fines couches de pigments, parfois translucides, de manière successive sur une toile. C’est ce qui crée à la fois cet effet de profondeur entre la nature en arrière-plan et le modèle, mais aussi cette impression de douceur sur le visage de la muse. Ce réalisme est, d’autre part, le fruit de recherches incessantes du peintre sur l’anatomie du corps humain. Regorgeant d’ingéniosité, Léonard de Vinci consacrait ses heures à inspecter des cadavres pour parfaire ses connaissances dans diverses disciplines.

Dans cette même perspective, le Salon ne se contente pas simplement de rassembler des individus à un point donné. Au contraire, il se donne pour mission d’apporter des solutions à de nombreux problèmes socio-économiques et environnementaux, en offrant un cadre dans lequel des dialogues peuvent fleurir. Le Salon est par conséquent l’occasion de proposer de nouvelles innovations qui bousculent l’ordre établi et de faire parler sa créativité. En outre, pour que le Salon puisse se positionner en tant qu’intermédiaire légitime, celui-ci nécessite des mois de préparation en amont ainsi qu’une stratégie pertinente qui réponde au mieux aux besoins des communautés ciblées, de sorte qu’aucun Salon ne soit reproduit à l’identique.

Saisir les opportunités quel que soit le contexte

Figure 1 Le Clou du Louvre, Georges Léonnec, La Vie Parisienne (1911)

Le vol de la Joconde en 1911 fut un coup dur pour le Musée du Louvre. La nouvelle fit la une des journaux et la presse ne manqua pas de faire de nombreuses spéculations sur le motif du vol, tout au long de sa disparition. Le poète Apollinaire et le peintre Picasso furent même soupçonnés d’être les auteurs de l’enlèvement. Une seule question était sur toutes les lèvres : mais où est donc passée la Joconde ? Le mystère du vol aiguisait les curiosités de chacun et certains visiteurs s’aventuraient dans le musée pour voir le vide laissé par ce tableau. L’illustrateur Georges Léonnec immortalisa ce moment en publiant une caricature intitulée « Le Clou du Louvre » pour le magazine de La Vie Parisienne. La Joconde fut retrouvée deux ans plus tard, le coupable n’était nul autre que le vitrier-miroitier du Louvre Vincenzo Peruggia. Il est intéressant de noter que c’est par son absence que la Mona Lisa a acquis une présence dans l’esprit du public. En d’autres termes, le préjudice qu’a subi le Musée du Louvre s’est transformé en une véritable opportunité publicitaire.

L’apparition du Covid-19 agite particulièrement le monde de l’événementiel. Bien que la pandémie ait mis en évidence les fragilités du Salon et son manque de flexibilité, il faut voir cette situation comme une opportunité pour se réinventer. En effet, cette absence temporaire constitue une occasion pour redéfinir les contours du Salon et prendre des risques. Par exemple, au lieu d’un rassemblement de personnes à un point donné, pourquoi pas un circuit de rencontres en petit effectif dans une zone géographique plus large (à l’image des agences de vacances) ? De plus, lors de ces moments moins mouvementés, le Salon peut tout de même continuer à vivre dans le monde virtuel des réseaux sociaux, non pas en tant que souvenir nostalgique d’une rencontre passée mais comme véritable événement à part entière : ces canaux peuvent devenir des terrains de jeu stratégiques en proposant des contenus exclusifs non abordés durant l’événement « officiel ». Des livres blancs, des sessions en live, des podcasts et des objets éditions limitées ne sont que quelques idées parmi tant d’autres…

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À propos de l'auteur

Aurelle Atangana

Aurelle Atangana

Étudiante en dernière année de master Marketing à Sciences Po Paris, Aurelle s'intéresse tout particulièrement aux problématiques d'expérience client et d'image de marque, dans un contexte où le digital s'impose de plus en plus dans les stratégies de développement. Après un stage marketing à Singapour dans le domaine du jeu vidéo et une alternance en tant que junior content manager chez Microsoft, Aurelle compte poursuivre son parcours dans des environnements créatifs en approfondissant ces sujets et ces enjeux marketing.

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