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L’humain et l’utilisation des sens au cœur de l’objet salon

Elodie Bergerault

Elodie Bergerault

Danseuse, chorégraphe et fondatrice de Danaïade

Sommaire

La danse est considérée à la fois comme un sport et comme un art, mais en dehors de ces deux disciplines, les danseurs ont beaucoup à apporter aux autres filières. S’ils ont fait de la danse leur passion, ou leur métier, elle a fait d’eux des enseignants de l’art du mouvement, un art libérateur et créateur d’identité. Comment la danse, plus généralement le rapport esthétique au corps, peut-elle être un véritable atout pour l’univers du Salon ?

La pédagogie du danseur

Un danseur, selon le Larousse, est une personne qui danse, un artiste qui interprète des compositions chorégraphiques. Pour Danaiade, un danseur transmet, fait bouger les gens, pour qu’ils se sentent mieux, à la fois dans leur corps, mais aussi dans leur métier, dans leur entreprise. Si le corps peut être utilisé comme un vecteur de communication, il faut apprendre à faire de l’art chorégraphique un outil d’expression et de traduction qui pourra être utile dans le monde professionnel. Les danseurs possèdent les outils pour travailler l’engagement et la présence, afin d’aider les individus à mieux se sentir dans leur corps pour mieux vivre leur métier. Le rapport au corps n’est pas forcement mis en avant dans toutes les sphères professionnelles, mais la filière Salon est construite sur le mouvementLes salons se créent autour des déambulations de visiteurs et toute l’expérience qui est prodiguée est bâtie sur un parcours client physique, pas toujours agréable ni propice à l’acte d’achat.

« Les salons se créent autour des déambulations de visiteurs et toute l’expérience qui est prodiguée est bâtie sur un parcours client physique, pas toujours agréable ni propice à l’acte d’achat. »

Des danseurs qui interviennent en entreprise, cela peut paraître surprenant mais c’est incroyablement pertinent. C’est une nouvelle façon d’initier les non-danseurs au mouvement que tout un chacun côtoie chaque jour sans vraiment le comprendre. En effet, dans le monde du travail et notamment lorsque les salariés se retrouvent sur leur lieu de travail, il y a une tendance à cloisonner les choses et à mettre son corps au placard. Dans le monde professionnel, le plus souvent c’est le cerveau qui est valorisé, par le corps ou la personne dans son ensemble. Récemment, de nouvelles façons de lutter contre la sédentarité se mettent en place. Par exemple, certains GAFAM(1), comme Google, sont réputés pour intégrer dans leurs locaux des aires de relaxation et des espaces de partage et de jeux. D’un autre côté, de nouvelles entreprises se créent pour lutter contre la sédentarité en entreprise comme par exemple Sport Management System qui propose un coaching de posture pour les employés ou des stages de remise en forme accompagnés d’exercices de leadership. Leur but est d’apporter les compétences du sport de haut niveau aux entreprises, et d’appliquer les valeurs et méthodes de travail des athlètes aux employés.

« L’appropriation de l’espace par le corps est donc une notion à appréhender pour réinventer les relations clients. »

Dans le monde du Salon par exemple, la sédentarité des exposants, souvent arrimés à leurs stands, fait face au mouvement continu des visiteurs qui défilent dans les allées. Sur des espaces de stands parfois restreints, les notions de mouvement ne sont sans doute pas suffisamment prises en compte à la conception. Le mouvement n’est pas seulement un outil de bien-être et de communication, il peut aussi être créateur d’identité et porteur de valeurs. Or les salons sont bien souvent des vitrines pour les entreprises, et cette expérience est pour elles l’occasion de partager avec les visiteurs leur identité et les valeurs portées par leur marque. L’appropriation de l’espace par le corps est donc une notion à appréhender pour réinventer les relations clients.

L’identité de mouvement

De l’identité de mouvement découle un travail de présence. Celui-ci consiste à se demander comment l’individu se connecte à l’espace et au temps et comment sa présence se définit par un mouvement à l’instant T dans un espace défini. Les individus sont amenés à se connecter à leurs perceptions au moment présent, car c’est dans cet état qu’ils sont les plus réactifs et qu’ils peuvent alors s’adapter et improviser. Lorsqu’un exposant travaille sur un stand, il est en représentation et se doit d’avoir une certaine allure, un regard particulier, périphérique et ouvert qui donnera envie aux visiteurs de s’arrêter sur le stand. Il faut aussi mettre en place un rythme qui n’épuisera pas le corps. Tout ce travail de présence et d’allure sert à comprendre l’impact qu’a le corps sur la personne qui recevra le message envoyé par une posture.

Comment mettre en place cette identité de mouvement chez une personne ? Il y a là plusieurs possibilités. Nous pouvons lui faire imaginer une situation apaisante pour qu’elle puisse se mettre en état d’observation et se connecter, à l’intérieur d’elle-même. Car dans un monde qui tend à l’hyper-connexion, la connexion à soi-même est trop souvent perdue ou reléguée au second plan, et l’usage de ses sens en devient presque désuet. Mais l’humain est fait pour sentir et percevoir, et user de ses sens pour atteindre une nouvelle sensation de bien-être. Tout cela amène à la deuxième possibilité : l’utilisation des sens. Il est possible de jouer avec les sensations pour proposer de nouvelles expériences et réinventer l’expérience. Dans le cadre du Salon, proposer aux gens de ne marcher que sur des faux galets installés au sol, les faire marcher dans un espace prédéfini en fermant les yeux, faire une traversée avec des bouchons dans les oreilles… Cependant, il est important que chaque atelier débute par un sas, un moment où les participants entrent en état d’observation. Proposée sous une forme ludique, la reconnexion à soi devient alors plus accessible et le Salon se positionne comme un espace de relaxation et découverte sensorielle.

De la danse au salon

Le Salon est un lieu de flux et de mouvement. Pour amener la danse et l’art chorégraphique dans le milieu du Salon, il est important de mettre en avant le rapport au lieu. C’est ce rapport à l’espace qui est commun aux salons. Bien souvent, ils sont des endroits très quadrillés, où l’on s’attend un peu toujours à la même organisation spatiale. Alors pourquoi ne pas provoquer de nouvelles choses, imaginer des courbes pour remplacer les lignes droites, proposer des innovations auditives, rajouter un peu de poésie à l’expérience. Ce serait original, par exemple, d’utiliser une voix off pour proposer des relaxations collectives ou créer un guide un peu surprenant. L’important est de réinventer l’expérience en usant du corps et de l’espace. Les courbes, contrairement aux angles, apportent de la rondeur, du lien. De plus, le quadrillage amène un côté de répétition qui nous perd dans les méandres des allées difficilement distinguables les unes des autres. Finalement, intégrer la danse et l’aspect corporel au Salon peut être incroyablement pertinent pour réinventer les bases de l’événement et apprendre à faire de son environnement un moteur de mouvement et de bien-être. Inscrire le mouvement dans son identité et son système de valeur, c’est aussi une façon de remettre l’humain et l’utilisation de ses sens au cœur de l’objet salon.

(1)GAFAM est l’acronyme des géants du Web, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft qui sont les cinq grandes firmes américaines (fondées entre le dernier quart du xxe siècle et le début du xxie siècle) qui dominent le marché du numérique, parfois également nommées les Big Four, les Big Five, ou encore « The Five ». Cet acronyme correspond au sigle GAFA initial, auquel le M signifiant Microsoft a été ajouté. Bien que dans certains secteurs une partie des cinq entreprises peuvent être en concurrence directe, elles offrent globalement des produits ou services différents tout en présentant quelques caractéristiques en commun qui méritent de les réunir sous un même acronyme : de par leur taille, elles sont particulièrement influentes sur le Web américain et européen tant au niveau économique, politique et social

À propos de l'auteur

Elodie Bergerault

Elodie Bergerault

Danseuse, chorégraphe et fondatrice de Danaïade

Parallèlement à son activité de danseuse et chorégraphe, Elodie Bergerault fonde Danaïade en 2002. Elle travaille en tant qu’interprète pour différents chorégraphes et institutions depuis 20 ans. Diplômée d’état en pédagogie et en Maîtrise Arts du spectacle à Paris VIII, Elodie développe un travail chorégraphique plus personnel d’autre part. Elodie aime chercher, partager, réinventer son métier au quotidien, elle créer Danaïade avec l’envie d’amener la danse là où elle n’est pas. En tant qu’artiste, elle utilise le corps et ses mécanismes de mouvements dans un processus de réflexion, d’apprentissage, de création auprès de publics très variés. Passionnée par la danse et le mouvement sous toutes ses formes, Elodie fédère, transforme, facilite les mouvements, conduit un changement, rend créatif un groupe. « Je sens et ressens le mouvement « entre » les choses, les hommes, j’aime le révéler et m’en servir pour créer du lien. »

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