S’intéresser à la question de l’esthétique du Salon c’est se poser la question de la définition de principes universels propres à l’agencement de ces événements éphémères. Notre premier réflexe a donc été de se pencher sur un visuel représentant le Salon, ici le plan pour le comparer à d’autres et mettre en lumière ces principes universels. Ce qui frappe à première vue est l’organisation matricielle des Salons, la présence des lignes géométriques quasi-symétriques de ces événements. Une sorte de composition de l’espace agencé au millimètre près pour jouer sur la symétrie de l’espace. Un peu comme une toile de maître dans l’espace. Cette composition a aussi été l’apanage d’un artiste français reconnu, André Le Nôtre qui agençait ses jardins sur les règles de la perspective et de l’esthétique classique de l’époque faisant ainsi de son travail un véritable chef d’œuvre. C’est donc dans cette logique que nous avons choisi de peindre et dépeindre le portrait de l’esthétique du Salon en décryptant l’esthétique du jardin, notamment du « jardin à la française ».
Structure(s) du Salon & Jardin : du plan à la grille de lecture
La réalité géométrique du tracé, la symétrie répétitive des éléments, la percée rectiligne des perspectives constituent l’image du jardin à la française. Ces manœuvres de l’optique et cette maîtrise de la perspective témoignent de l’apport des sciences dans la réalisation des jardins au 17ème siècle. En pleine révolution copernicienne, la ligne droite rassure, alors que Pascal écrivait « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ». Par son travail, Le Nôtre organise la nature et affirme la maîtrise de l’Homme sur le monde. C’est finalement une manière très cartésienne de « lire la nature » et de redonner de la lisibilité au monde en imposant un ordre à la nature.
LÀ OÙ LE JARDIN ORDONNE LA NATURE, LE SALON, LUI, ORDONNE L’ESPACE
Fonction du Jardin & Salon : Exposer pour s’exposer

Expérience du Jardin & Salon : Un dogme de l’esthétique ?
Alors qu’au XVIIème l’ordre rassurait, imposer une grille et un parcours unique peut aussi être perçu et vécu comme une contrainte face à la multitude des communautés et des besoins que sont venus assouvir les visiteurs de ces événements. Le Jardin doit aussi répondre à une notion de divertissement et de plaisir. On se rend volontiers au parc comme on se rendrait à un musée, mais se rend-on au Salon comme on se rendrait dans un Jardin ? Se divertir, rencontrer, s’émerveiller,
peut-aussi être un effet recherché. Le Jardin à la française tire de ses avantages ses limites. Il impose en effet une vision du monde parfaite et symétrique loin de la réalité, offrant ainsi une grille de lecture unique privant les visiteurs de leur propre cheminement. Contrairement à ce dernier, le Jardin à l’anglaise va pour sa part cultiver la diversité des expériences en développant des pôles et en offrant au visiteur une multitude de parcours. Il invite celui-ci à prendre le temps d’explorer, à se faire sa propre interprétation en sollicitant ses sens. L’expérience qu’il propose est nouvelle : celle d’errer, voire de se perdre et d’accepter de ne pas tout voir dès la première visite. Est-ce que cette notion de pluralité des expériences a été comprise par les organisateurs et traduite dans une nouvelle esthétique ? Est-ce que ces derniers ne s’inscrivent pas dans une perpétuation du dogme de l’esthétique classique en imposant une expérience symétrique unique quand les visiteurs cherchent aujourd’hui à avoir le choix ?

En imposant un parcours unique et normé, le Salon par son esthétique ordonne, parfois contraint. Il est bien évident que son business model basé sur les mètres carrés alimente le système de la géométrie et de l’alignement. Toutefois accepter de perdre des mètres carré pour surprendre peut aussi être une façon de travailler son style et son esthétique.
Merci pour votre article, vous glissez la question de l’esthétique dans les plis sans doute trop serrés des salons et en plus vous les mettez en série avec un autre type d’espace, ici le jardin, peut-être demain les musées, les centres commerciaux, les tapis d’orient, les fêtes foraines, les villes surtout, …. Peut-être arrivera-t-on un jour à l’idée d’une stylistique des salons et donc à la production d’une critique des salons, comme il existe une critique de cinéma. On se posera alors des questions de montage de formes, de perspectives, de personnages, de narration, de construction des espaces, de temps-choral, de salon-temps…Et puis on se demandera, mais quelles sont les conditions d’existence de ce salon, et ce sera aussi en termes économiques et politiques : de quels rapports de forces, dans une filière le salon, mais aussi un pays, un continent, une société, est-il le champ de bataille ? Que déplace-t-il dans les jeux des acteurs (ou renforce) ? Comment le salon intervient-il dans le réel qui le déborde, la filière, le territoire, et qu’il est lui-même aussi. Ligne de résistance ou acquiescement ?