h

La rencontre événementielle et l’entretien d’embauche comme points d’entrée dans une communauté

Juliette Leroy et Amandine Bigler

Juliette Leroy et Amandine Bigler

Alumni Sciences Po, Customer marketing specialist chez Mirakl / Alumni Sciences Po, Porteuse de projet indépendante

Sommaire

“Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter”. Par ces mots, Jean-Paul Sartre avait saisi l’écueil des événements qui ne savent faire durer la relation dans le temps, et donnait la clé pour transformer un parc des expositions quelconque en une véritable aventure. La rencontre entre deux mondes inconnus, un individu qui vient se confronter à une organisation, voilà ce qui caractérise le salon, mais également l’entretien d’embauche. C’est la séduction, puis l’intégration et le maintien dans un collectif qui est l’enjeu véritable des deux entités, qui ont bien plus à raconter que les quelques minutes échangées sur un stand, et c’est ce que nous allons démontrer en se servant du parallèle avec l’entretien d’embauche pour en tirer des pistes de réflexion.

Le besoin de se démarquer pour susciter le désir 

De façon parallèle, l’entretien d’embauche et le salon créent en amont du jour J un rapport de séduction mutuel. Pour parvenir à décrocher un entretien d’embauche, les candidats redoublent d’efforts pour se démarquer et adoptent de nouveaux formats de CV (vidéos, books, objets, profils LinkedIn…) et de lettres de motivation. Valoriser ses compétences mais aussi sa personnalité ou encore ses engagements, voici autant d’éléments nécessaires pour démarrer cette séduction. Le salon n’est pas en reste : afin d’attirer un maximum de public, tout un teasing est créé autour de l’événement à venir. Le salon communique sur les réseaux sociaux, révèle les invités et personnalités particulièrement importantes qui vont intervenir, met en place un site web attrayant… Les quelques secondes d’attention dont disposent l’entreprise ou le candidat pour convaincre sont cruciales, d’où la nécessité d’en tirer parti au maximum et de se différencier pour poursuivre la relation et instaurer cette séduction mutuelle.

À lire aussi

La rencontre événementielle : une terre que l’on cultive
Selon le Larousse, l’agriculture est l’ensemble des activités développées par l’homme, dans un milieu biologique et socio-économique donné, pour obtenir les produits végétaux et animaux qui lui sont utiles, en particulier ceux destinés à son alimentation. A l’instar des cultures agricoles, le Salon est un moment succinct, résultat de plusieurs mois de travail et s’achevant […]

Le salon et l’entretien partagent également un enjeu réputationnel déterminant pour la poursuite ou non de l’aventure. En effet, avant de réserver sa place pour aller dans un salon, chacun se renseigne sur les éditions précédentes, lit des commentaires sur l’événement, demande à son cercle proche ce qu’il en pense. De belles retombées presse ou vidéos vont inciter à y participer, alors que des commentaires négatifs peuvent amener à renoncer complètement au salon. De même, durant une phase de sélection de CV pour un poste, les recruteurs peuvent très facilement avoir accès à la présence digitale des profils. En quelques clics des informations non valorisantes peuvent alors compromettre une embauche face à une personne dont les coordonnées conduisent uniquement à un profil LinkedIn complet, détaillé avec des recommandations. Cela renforce la nécessité de surveiller son image de marque, de faire preuve de cohérence, et d’être présent sur les réseaux, tant pour le candidat que pour le salon ou l’organisation.

L’exigence de proposer une expérience complète qui fait sens avec la genèse de l’événement

Aujourd’hui plus que jamais, l’identité de marque d’une entreprise est déterminante pour attirer des talents qui cherchent à trouver une résonance entre leur travail et leurs valeurs. Ainsi, des entreprises considérées comme peu engagées peinent à attirer des profils en pleine quête de sens : c’est notamment le cas de plus de la moitié des jeunes de 18 à 24 ans pour qui la RSE est un critère de choix important pour un poste selon une étude MBWay. Il est donc primordial de soigner son capital-marque employeur : plus le bien-être au travail est élevé, plus les salariés s’impliquent mais sont aussi plus à même de vanter les mérites de leur entreprise auprès de publics extérieurs.

À lire aussi

Une immersion pour un dialogue
En tant que futures designers, quelle forme allons-nous donner à l’espace de rencontre ? C’est à partir de cette interrogation que Charlotte, Laurine et Emma construise leur vision de l’événement de demain. Leur projet ? Faire vivre une expérience au visiteur en utilisant des technologies encore trop délaissées ! En s’attachant au concept d’ « immersion », elles développent les moyens d’établir un véritable dialogue entre le salon et son visiteur.

De la même manière, pour les salons il devient chaque année de plus en plus important de valoriser son image, ses valeurs socles mais surtout ses actions véritables pour attirer des visiteurs mais surtout les fidéliser. On le voit bien notamment à travers des événements à fort engagement émotionnel comme le Burning Man ou le C2 de Montréal qui ont réussi à regrouper une communauté très engagée. Cet engagement ne peut pas venir que de l’extérieur, il doit être contenu dans l’expérience, et celle-ci doit donc être adéquate, alignée et complète, à l’image de “ChangeNow”, où tout est pensé pour faire sens avec la raison d’être de l’événement, avec de nombreux dispositifs et initiatives, bien au-delà du temps fort événementiel, développés pour accompagner tous les écosystèmes dans leur transformation positive.

Une fois le salon lancé, tout comme lors d’un entretien d’embauche, la pression de la bonne impression demeure. Que cela soit l’entreprise qui tient son stand ou qui recrute, ou bien le prospect ou le candidat, on assiste à un véritable “personal branding” où chacun tente de mettre en avant ses atouts pour poursuivre la séduction engagée en amont. Cela pose évidemment une question vitale dans le succès d’un salon : comment parvenir à donner cette sensation d’échange réussi en quelques minutes ? Comment marquer les esprits quand un prospect passe de stand en stand ? Pour cela, le salon pourrait s’inspirer des meilleurs processus RH, souvent appelés “Talent Days”, qui prévoient des points de contact réguliers tout au long de la journée avec l’entreprise. De la rencontre avec les équipes de recrutement, les équipes managériales, ou encore des exercices en groupe, en passant par des activités de teambuilding ou plus ludiques, tout est fait pour fournir la meilleure expérience possible au candidat et l’intégrer dans un collectif dès le recrutement. Pour le salon, il devient nécessaire de penser cette intégration sur le long terme, et pas seulement lors des quelques minutes de rencontre effective. De même, bâtir une expérience du salon à la carte selon si le visiteur est déjà venu ou non (s’il est déjà membre de la communauté ou s’il cherche à l’intégrer), selon ses motivations profondes… devient alors fondamental pour créer une relation véritable et adaptée.

Pour que le salon reste attractif demain, il semble vital de repenser son circuit pour en améliorer l’attractivité. On peut prendre l’exemple de Laval Virtual, où une vraie expérience est proposée sur chaque stand, ou alors le C2 qui est un véritable condensé des meilleurs intervenants, ateliers et processus d’intelligence collective innovants. En quelques minutes sur un stand, l’entreprise doit réussir à dépasser une simple présentation top down pour présenter une expérience qui marque les esprits par la création d’un véritable échange.

La nécessité du maintien de la relation pour dépasser l’instantanéité d’une rencontre

Après la rencontre événementielle, la tentation est grande d’uniquement penser au prochain événement ayant lieu l’année suivante, créant ainsi un effet « d’ascenseur émotionnel” où toute la relation créée dans l’instantanéité de la rencontre sera oubliée. A l’inverse, lors d’un recrutement, on propose non pas une relation “one shot” mais un engagement sur le long terme. Si les deux parties souhaitent poursuivre la relation, après le salon ou l’entretien d’embauche, il y a la nécessité d’inclure rapidement le nouveau protagoniste à la communauté qui entoure l’événement. Pour le candidat, c’est en mettant en place un processus d’onboarding réussi, et en lui permettant de ne plus être spectateur mais bien acteur de la communauté.

En accédant à un certain nombre d’avantages, via un comité d’entreprise, mais également via des dispositifs motivationnels comme la participation, ou encore via ses pairs par le biais de buddy programs, l’ancien candidat devient membre à part entière de la communauté qu’il a choisi de rejoindre. Pour la rencontre événementielle, c’est toute cette intégration dans un collectif qu’il faut revoir et qui constitue une vraie piste de développement. Si la partie séduction représente la face immergée de l’iceberg, parvenir à maintenir ce niveau relationnel élevé à la suite d’un événement est certes un travail colossal mais cela permet de conserver la pérennité de son événement via une communauté directement mobilisable et d’assurer la meilleure adéquation possible entre les attentes et l’événement. Là où le salon a beaucoup à gagner en s’inspirant de l’entretien, c’est que pour être réussie, l’intégration doit passer tant par l’organisation en elle-même que par les pairs qui la composent. Les exemples dont le monde de l’événementiel peut s’inspirer sont nombreux tant cet enjeu est clé. Par exemple, le Salon Go Entrepreneurs a créé une communauté sur Facebook tout au long de l’année, qui s’autoalimente et s’organise en autonomie.

Ainsi, si l’analogie entre une rencontre événementielle et un entretien d’embauche ne semble pas évidente au premier abord, on arrive à la conclusion que ces derniers partagent de nombreux points communs. Tout comme un entretien d’embauche, résumer l’événement à sa durée n’a pas de sens, puisqu’il s’inscrit dans un véritable processus qui démarre par un rapport de séduction et d’engagement, pour ensuite promouvoir une expérience unique et qualitative, qui durera au-delà de l’instantanéité de la rencontre initiale. Pour rester attractif sur le long terme, le salon de demain doit pleinement se saisir de ces enjeux.

À propos de l'auteur

Juliette Leroy et Amandine Bigler

Juliette Leroy et Amandine Bigler

Alumni Sciences Po, Customer marketing specialist chez Mirakl / Alumni Sciences Po, Porteuse de projet indépendante

Prochainement diplômée d'un master marketing et études au sein de Sciences Po, Juliette est passionnée par les industries de l’entertainment et de la tech. Après des stages dans ces industries (Studiocanal et Samsung), elle est actuellement en alternance chez Mirakl en Customer Marketing, elle aime nourrir ses projets d'idées qu'elle a pu dénicher dans des secteurs très variés, comme la culture, l’art ou l’événementiel.

///

Étudiante en dernière année de master Marketing à Sciences Po Paris, Amandine s'intéresse tout particulièrement aux problématiques de marketing durable dans un contexte où la RSE s'impose de plus en plus dans les stratégies de développement. Après un stage marketing dans une PME engagée pour changer la consommation, Amandine est actuellement en alternance chez Carrefour Bio. Elle compte poursuivre son parcours en approfondissant ces sujets et ces enjeux marketing.

Suivez-nous